Il s’agit, sans surprise, du titre qui s’affiche en Une de la presse internationale. Après le Portugal, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ce week-end (portant à au moins 145 sur 193 États membres de l’ONU ayant franchi le pas selon l’AFP), la France et d’autres pays reconnaîtront l’État de Palestine ce lundi 22 septembre à l’ONU, lors d’un sommet co-organisé par la France et l’Arabie saoudite sur l’avenir de la solution à deux États. Un succès diplomatique pour Paris qui, après de longs mois de tractations, a convaincu neuf pays de se joindre à son initiative.
Au Royaume-Uni, le Financial Times salue des «mesures symboliques» qui «constituent une démonstration forte de soutien aux Palestiniens et une vive réprimande au gouvernement d’extrême droite du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou». Pour le quotidien financier, «Cette vague de reconnaissances met en évidence l’isolement croissant d’Israël suite à son offensive à Gaza, qui a suscité des appels internationaux au boycott». Cependant, «malgré la pression internationale, rien n’indique que le gouvernement [israélien], qui bénéficie du soutien indéfectible du président américain Donald Trump, soit proche de mettre fin à son offensive, après avoir récemment lancé une nouvelle attaque militaire sur la ville de Gaza».
Passer la publicitéToujours outre-Manche, The Telegraph se concentre sur une critique qui se fait entendre dans les rangs politiques : le premier ministre Keir Starmer a-t-il reconnu l’État palestinien pour «parvenir à la paix au sein du Parti travailliste» à quelques jours de la conférence annuelle de sa formation politique ? Pour The Guardian, enfin, la reconnaissance de l’État palestinien par les pays européens «va accroître les tensions à un moment où les partenaires sont déjà en désaccord sur l’aide à l’Ukraine ainsi que sur des questions bilatérales telles que les tarifs douaniers».
Suivre l’exemple ou risquer l’isolement ?
En Allemagne, où le ministre des Affaires étrangères a réaffirmé ce lundi la position de Berlin, à savoir que la reconnaissance d’un État palestinien ne devrait intervenir qu’à la fin d’un processus de négociation d’une solution à deux États, le Der Spiegel exhorte le gouvernement de Friedrich Merz à reconnaître l’État de Palestine en «suivant l’exemple» français et britannique. «La formule allemande est la suivante : les Palestiniens ont droit à leur propre État, mais seulement au terme d’un processus politique. Mais un tel processus politique n’existe pas. Le gouvernement israélien veut empêcher la création d’un État palestinien (...) Le refus de l’Allemagne est donc injustifié.» Pour l’hebdomadaire de Hambourg, une reconnaissance de la part de Berlin permettrait «aux grands pays européens de parler d’une seule voix sur un enjeu de politique étrangère crucial» et éviterait à la chancellerie de se retrouver isolée diplomatiquement.
Une mise à l’écart qui plane également au-dessus de l’Italie de Giorgia Meloni qui, pour l’instant, «choisit de rester fidèle à Donald Trump» et aux États-Unis, premiers soutiens d’Israël qui rejettent l’initiative française et raillent les reconnaissances officialisées ce week-end, note La Repubblica . «Elle portera un “pas maintenant” de poids (...) La première ministre est ouverte à l’option de la reconnaissance, mais seulement après l’aboutissement d’un processus politique et diplomatique. L’idée est d’aborder la question avec Trump dans les semaines à venir. Meloni a investi massivement en politique étrangère, et ce jeu risque de se retourner contre elle. En clair, elle reste convaincue que l’annonce franco-britannique est en réalité contreproductive pour la cause palestinienne. Néanmoins, il est clair que le nombre de pays demandant la reconnaissance augmente, notamment en Europe. Ceux qui restent se retrouvent de plus en plus seuls», conclu le quotidien orienté à gauche. «Oui à la Palestine. L’Italie est absente», écrit en Une le quotidien libéral centriste La Stampa .
Des «grandes paroles»
Malgré tout, tempère le New York Times, «les grandes paroles» des nations européennes «n’ont pas encore débouché sur de grandes actions». «L’Union européenne a proposé d’augmenter les droits de douane sur les produits israéliens, mais sa mise en œuvre reste incertaine. D’autres initiatives visant à sanctionner le gouvernement du premier ministre Benyamin Netanyahou ont été bloquées par l’opposition, notamment allemande. Les actions des différents pays sont également restées en deçà des promesses. Les tentatives d’acheminement de l’aide vers Gaza ont été limitées, alors même que la famine sévit sur le territoire. De plus, les pays n’ont accepté qu’un nombre limité de demandeurs d’asile en provenance de Gaza, l’immigration étant souvent un sujet de discorde politique intérieure», détaille le quotidien, qui distingue cependant les «mesures concrètes» de l’Espagne qui s’est engagé à interdire définitivement la vente d’armes et de munitions à l’État hébreu. «Mais ces mesures n’ont eu que peu d’impact sur le cours de la guerre», conclut le journal de centre gauche créé en 1851.
En Cisjordanie, «la décision historique que s’apprêtent à prendre une dizaine de pays ne calme pas les craintes face à l’accélération de la colonisation israélienne», relate le quotidien libanais L’Orient Le Jour dans un reportage.
Passer la publicitéUn manque d’enthousiasme qui trouve son écho en Belgique, dans les colonnes de La Libre : «Pour son 80e anniversaire, l’Organisation des Nations unies réunit une nouvelle Assemblée générale dans un climat délétère aux relents d’échec, sinon de faillite (...) Son impuissance a-t-elle été exposée de façon aussi accablante qu’aujourd’hui, avec la guerre à Gaza.» «Ce lundi après-midi se tiendra une conférence de très haut niveau sur la mise en œuvre d’une solution à deux États au moment où l’hypothétique État palestinien voit ses infrastructures réduites en cendres et sa population décimée ou chassée de chez elle. Au moment aussi où les autorités israéliennes, soutenues “inconditionnellement” par Washington, ne cachent plus leur volonté d’imposer une solution à un seul État», estime le quotidien bruxellois.
«Rassembler les Israéliens autour du rejet de cette initiative
Au Proche-Orient, le Times of Israël relève pour sa part que les desseins occidentaux ont, dans un climat politique délicat, réussi à «rassembler les Israéliens de tous bords politiques autour du rejet de cette initiative». «Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a qualifié cette reconnaissance de “mesure néfaste et de récompense au terrorisme”. Yaïr Golan, président du parti de gauche des Démocrates, a déclaré que cette reconnaissance était “destructrice” et “extrêmement préjudiciable” à Israël. “Cela n’aidera pas un seul Palestinien”, a déclaré le président Isaac Herzog, habituellement courtois et discret. Le Forum des otages et des familles disparues a accusé les pays reconnaissants de “fermer les yeux sur le fait que 48 otages restent captifs du Hamas”.»
Si Benyamin Netanyahou «dispose d’un soutien politique important», «il devra agir avec prudence», notamment concernant la politique d’annexion en Cisjordanie. Pour le site internet en activité depuis 2012, le premier ministre devra, ces prochaines semaines, «trouver une ligne de conduite qui réponde à des impératifs apparemment contradictoires : dissuader davantage de pays de reconnaître un État palestinien, éviter de pousser les États arabes à punir Israël et empêcher les partenaires déçus de la coalition de quitter le navire. Et, bien sûr, maintenir une coordination totale avec Trump.» Cette interrogation sur la réaction d’Israël est dans toutes les colonnes de la presse internationale. Elle demeure, pour l’instant, sans réponse.