Saviez-vous qu’en 2024, la bague en or que vous portez pourrait avoir été imprimée en 3D ? Cette petite révolution que l’on appelle la fabrication additive est comparable, selon quelques experts en joaillerie, à l’arrivée du numérique en photographie ! Pour rappel, jusqu’ici, un bijou est le résultat de deux techniques ancestrales : la fonte à cire perdue (un moule dans lequel on coule du métal, peaufiné ensuite à la main) et l’usinage (l’artisan part d’une masse en métal qu’il sculpte à l’aide d’outils coupants pour donner vie à une pièce de joaillerie). Popularisée dans l’aéronautique et développée pour la joaillerie depuis une dizaine d’années, la fabrication additive qui mêle l’innovation à l’artisanat a porté ses fruits, c’est-à-dire ses premiers bijoux, en 2021. Voici son fonctionnement.
Imaginez le dessin d’un joaillier précisément enregistré dans un fichier informatique en trois dimensions. Chaque courbe et chaque détail sont soigneusement mis au point pour que le bijou soit esthétique et fonctionnel. L’ébauche est ensuite analysée, à l’image d’un millefeuille, couche par couche, par un logiciel qui l’injecte dans un cylindre rempli de poudre d’or. Grâce à la fusion laser, les fines particules de métal précieux se transforment en une structure solide qui, strate par strate, donne forme au bijou. Le résultat est bluffant, et l’on ne peut s’empêcher de craindre que cette machine ne remplace un jour le geste de la main humaine. « Ce n’est pas l’objectif, la fonte à cire perdue est employée depuis des millénaires et le restera », rappelle Hervé Buffet, délégué général de Francéclat, le comité professionnel de développement économique des secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie qui met en lumière cette technologie futuriste dans l’exposition itinérante en France « Secrets de Bijoux » (récemment à Lille). « Bien que réalisé avec des technologies de pointe, le bijou sort de la machine avec un aspect granuleux dû au laser qui a soudé l’or particule par particule. Il nécessite toujours le savoir-faire de l’artisan pour sa finition, son émerisage, son polissage. Ces étapes effectuées manuellement apportent tout le relief, le contraste et l’émotion de la création. »
La possibilité de faire les choses différemment
Sa révolution réside alors dans l’optimisation du temps et la création de mouvements et d’assemblages qui n’étaient pas réalisables jusque-là avec la fonte à cire perdue, mais en plusieurs et longues étapes à la main. « L’impression 3D permet de repousser les frontières en termes de création dans le sens où l’on peut imaginer des formes complexes qui intègrent dès la conception des articulations, des nids-d’abeilles, des systèmes de coulisses ou même de l’or évidé par exemple. » Ses limites ? Le cylindre contenant l’or fait 10 centimètres de diamètre, ce qui restreint la taille des bijoux. Aucun mélange de matériaux n’est pour l’instant possible et aucune pierre précieuse ne peut être introduite, en raison de la forte chaleur du laser. Et le prix d’une machine (autour de 200 000 euros) comme celui des 3 kilogrammes d’or mis en poudre représentent un investissement. « C’est un enrichissement de la palette du bijoutier, qui offre la possibilité de faire les choses différemment. Je peux vous affirmer que les grands noms de la joaillerie regardent cette techno logie de près et sont venus visiter notre site technique à Besançon. Ne nous reste qu’à continuer notre mission pédagogique », conclut Hervé Buffet.