Le droitier et médiatique préfet des Alpes-Maritimes, Hugues Moutouh, a prévenu les forces de sécurité intérieure lors de ses traditionnels vœux, vendredi, d’une année à venir une nouvelle fois «difficile». «2025 sera pire encore, il faut vous y préparer», a-t-il entamé, assumant son pessimisme sur la situation du pays devant les policiers, gendarmes, pompiers et élus locaux, venus l’écouter en nombre au somptueux palais préfectoral de Nice.
Le représentant de l’État, réputé pour sa fermeté, a fait le constat d’un «état de délitement de la société». «Ai-je besoin de vous rappeler la noirceur de ce monde ?», a-t-il lancé, évoquant les trop nombreux actes de délinquance recensés, les refus d’obtempérer, le trafic de drogue et l’immigration. Des sujets qui ont marqué le département en 2024, avec notamment un incendie criminel lié au narcotrafic en juillet dans le quartier prioritaire Moulins et la mort d’un gendarme à Mougins, en août, percuté par un chauffard multirécidiviste.
Un monde «Hobbesien» pour Hugues Moutouh, «naturellement en conflit» avec une «absence de moral». «Nous y serons confrontés», a-t-il affirmé. Il a encore fait allusion à certains responsables politiques, sans les nommer, qui auraient «la tête dans le sable» pour ne pas se rendre compte de cette réalité et l’urgence d’y répondre.
«Clusters du crime»
Face à ce «processus irréversible de “décivilisation”», à cette «activité criminelle de bande» et ces «clusters du crime» qui touchent certaines banlieues, Hugues Moutouh a quand même exposé des résultats traduisant un travail sans relâche des forces de sécurité. «Vous avez tous approché vos limites», en a-t-il convenu. Deux tonnes de cannabis, 320 kilos de cocaïne, neuf kilos d’héroïne et 1,2 million d’euros ont été saisis, mais cela ne représenterait «que 10% de ce qui circule», a indiqué le préfet.
En matière d’immigration, malgré une «baisse notable des flux» à la frontière franco-italienne, c’est «toujours trop», a-t-il confié ensuite à la presse, assumant encore «une correspondance directe entre l’immigration incontrôlée et la délinquance, notamment concernant le narcotrafic avec l’exploitation des mineurs non accompagnés». Dans les Alpes-Maritimes, 487 expulsions d’étrangers délinquants ont été réalisées l’année dernière, dont 21 personnes étant radicalisées, a-t-il annoncé.
«Faut-il désespérer et se résigner ? Chacun d’entre nous peut avoir cette tentation, mais aucun n’y cède totalement par un sens du devoir qui nous tient», a poursuivi Hugues Moutouh devant les gradés de police et de gendarmerie. «Quand on voit la multitude de faits de violence, on peut s’interroger sur la nature humaine», a-t-il précisé en aparté. «On se doit d’encadrer les mauvaises pulsions», a résumé celui qui se fait surnommer le préfet «bulldozer», et qui le revendique.
«Croire au sursaut»
Un discours dense et incisif, conclu par un appel à «croire au sursaut» malgré ce contexte politique «si particulier». Un temps vu sur le départ des Alpes-Maritimes après avoir été pressenti pour devenir directeur de la police nationale, Hugues Moutouh semble désormais parti pour rester, au moins jusqu’au Sommet des océans des Nations unies qui aura lieu sur le port de Nice, début juin.
Le maire niçois, Christian Estrosi (Horizons), avait également réclamé plusieurs fois son renvoi - et encore récemment directement auprès d’Emmanuel Macron, selon nos informations - mais il était bien présent, vendredi, pour ses vœux, aux côtés des parlementaires et du nouveau ministre des Transports, Philippe Tabarot. Le député Éric Ciotti était en revanche absent. Dans ses équipes, le préfet Moutouh va être entouré cette année d’un nouveau secrétaire général, Patrick Amoussou-Adéblé, et d’une nouvelle directrice de cabinet, Aurélie Lebourgeois, ex-responsable de mission pour les Jeux olympiques en matière de sécurité.