Élie Kakou, un humour plus vif que mort, vingt-cinq ans après sa disparition

Fin janvier sur le Vieux-Port à Marseille, les premiers clients du Vig’s, le comedy club et bar live de Gad Elmaleh, y découvriront un espace dédié à Élie Kakou. Cet humoriste a connu une carrière fulgurante de 1990 à 1999. Avec sa galerie de personnages, dont Mme Sarfati, caricature de la grand-mère juive tunisienne, il a été le premier comique à remplir les Zénith. Les ennuis de Mme Sarfati avec Fortunée, impossible à marier, sont inoubliables : « Elle est belle ma fille. Elle mesure 1,20 m de hauteur sur 1,20 m de largeur. » Tout comme ses bras de fer avec le répondeur : « J’ai demandé la police. Non je ne quitte pas. » Ou : « Peut-être que vous êtes juif et que vous ne le savez pas. Votre père, votre grand-père, vos voisins… » 

« Avant même un premier joke, il faisait éclater de rire le public, se rappelle Gad Elmaleh qui a débuté comme poursuite lumière d’Élie Kakou. Tout était dans l’attitude. Ce génie a apporté quelque chose qui n’existe plus et encore moins avec le stand-up : le comique immédiat, ce que les Anglo-Saxons appellent “funny bones”. »  

Comme Claude François, Élie Kakou est décédé au sommet de sa gloire, le 10 juin 1999, à 39 ans. L’un avait les Claudettes, l’autre les Kakounettes. Un quart de siècle plus tard, il fait l’objet d’un culte certain. Sur YouTube et les réseaux sociaux, il fait rire des centaines de milliers d’abonnés. Une performance car contrairement aux films et aux chansons, le rire est difficile à transmettre de génération en génération. Raymond Devos et Thierry Le Luron en sont la preuve. Sous les cyprès du cimetière des Trois-Lucs à Marseille, la tombe d’Alain « Élie » Kakou est couverte de fleurs, de pierres et de petits mots déposés par des anonymes. « Il y a toujours une bougie allumée. Cela fait chaud au cœur », confie Brigitte Kakou, même voix, même humour que son petit frère. 

Un humour fédérateur

Répliques avant-gardistes, travestissement en femme, Élie Kakou s’est montré audacieux et continue de faire rire. Catherine et Liliane (Alex Lutz et Bruno Sanches), Chouchou (Gad Elmaleh), les Vamps et tant d’autres ont marché sur ses traces. Incorporer des mots d’arabe dans ses sketchs était nouveau aussi. En 2024, c’est la norme pour Redouane Bougheraba comme pour Melha Bedia avec sa série Miskina (la pauvre) sur Amazon. « L’humour d’Élie est fédérateur et il n’est jamais méchant. Il représente tout pour moi, insiste l’humoriste Camille Lellouche. Lui puis Gad m’ont donné envie de créer des personnages. Les sketchs d’Élie passent de génération en génération. Dès que ma fille sera suffisamment grande, je les lui montrerai. » 

C’était un vrai gentil et généreux. En tournée, il traitait tout le monde sur un pied d’égalité

Patrick Niedo

Fait inattendu, le rôle d’Élie Kakou dans La Vérité si je mens !, régulièrement regardé par des millions de téléspectateurs, aide à le faire connaître auprès des jeunes. « C’était un vrai gentil et généreux. En tournée, il traitait tout le monde sur un pied d’égalité, se souvient son assistant à l’époque Patrick Niedo. Chez les Kakou, fratrie marseillaise de dentistes et de pharmaciens, Élie était diplômé de prothésie dentaire. Il était très habile de ses mains. Aux anniversaires, il offrait une caricature de la personne en pâte à modeler. » Héritière du droit moral et des droits d’auteur, la famille Kakou se fait aider par Patrick Niedo pour gérer la carrière posthume. Sa tâche a été facilitée par le bon souvenir laissé par l’humoriste dans le métier. En 2019, pour les vingt ans de sa mort, Gad Elmaleh, Chantal Ladesou et des plus jeunes, dont Alex Vizorek, Bérengère Krief et Kev Adams, ont volontiers monté un spectacle au Cirque d’Hiver.

Comme Fary et Redouane Bougheraba, ils n’ont pas connu Élie Kakou de son vivant. En juin dernier, au Vélodrome, Redouane Bougheraba a diffusé un film avec les meilleures répliques d’Élie sur les écrans géants. À Paris, Fary a baptisé son comedy club Mme Sarfati. Raphaël Mezrahi, le premier producteur d’Élie Kakou, aide aussi. Dans la cave inondée de Raymond Forni, ancien président de l’Assemblée nationale, il a retrouvé un enregistrement du premier spectacle d’Élie Kakou. « La bande était pleine de moisissures, raconte-t-il. Restauré, ce show est visible sur myCanal dans l’onglet Les Trésors de Mezrahi. »  

«Entre deux générations»

À Marseille, Brigitte Kakou est aussi à l’œuvre. Avec l’actrice Gladys Cohen (La Vérité si je mens !, Coco, Plus belle la vie), elle doit enregistrer de nouveaux sketchs de Mme Sarfati en janvier. « Mme  Sarfati, c’était notre grand-mère maternelle. Le châle, les chaussons sont les siens. Élie l’imitait depuis qu’il avait 5 ans. Il ne lui faisait dire que des choses qui étaient réellement arrivées. » L’idée est de préparer un spectacle sur Mme Sarfati en complétant les trente-cinq minutes laissées par Élie Kakou. En voix off, Brigitte Kakou raconterait ses anecdotes autour de ce personnage tiraillé entre deux générations, deux pays. « Je me suis toujours identifiée à Mme  Sarfati, rit Gladys Cohen qui succède à Marthe Villalonga dans le rôle de la mère juive. « Une super idée », salue Gad Elmaleh.