«Remettre son destin entre les mains du FMI et de la Banque mondiale» : quand Élisabeth Borne voit la France en pays pauvre
Interrogée sur les mesures d’économies du gouvernement dans les colonnes du Parisien ce mercredi 27 août, Élisabeth Borne a-t-elle voulu frapper les esprits pour justifier l’austérité budgétaire ? «Soit on redresse les finances publiques, soit on remet son destin dans les mains du FMI et de la Banque mondiale», a répondu l’ancienne chef du gouvernement, actuelle ministre de l’Éducation nationale.
Avant elle, François Bayrou et le ministre de l’Économie Éric Lombard, avaient eu aussi, invoqué le risque d’une intervention du FMI. Mais mentionner la Banque mondiale, l’autre institution de Bretton Woods, installée juste en face du FMI à Washington, relève de la précipitation en cours d’interview ou de l’hyperbole, diront les plus indulgents.
Passer la publicitéLe Fonds monétaire international intervient auprès d’États exclus du financement sur les marchés, avec une monnaie faible et des déficits extérieurs insoutenables. Si la situation française est certes préoccupante, Paris emprunte dans une monnaie solide, l’euro, à des taux qui peuvent paraître hauts (environ 3,5% à 10 ans) comparativement à d’autres pays de la zone euro mais bien en deçà d’autres qui ont une dette beaucoup plus risquée. Les taux à dix ans de la Turquie étaient supérieurs à 25 % début 2025.
En tant que grande économie dont la signature est encore crédible sur les marchés, la France ne semble pas près d’être la cible d’un programme du FMI. Historiquement, les pays placés sous sa tutelle (Grèce, Argentine, Turquie...) l’ont été car ils étaient incapables d’honorer leur dette. À titre d’exemple, Athènes empruntait, juste avant la crise, à plus de 30 %, avec un déficit budgétaire de 15 % du PIB. Le budget français 2025 présente un objectif de réduction à 5,4 % du PIB.
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Scénario cocasse
Suggérer que Paris pourrait bénéficier du soutien de la Banque mondiale est carrément incongru. L’institution finance surtout des projets de développement (infrastructures, énergie, éducation, santé, climat...) dans des pays à faible revenu ou à revenu dit intermédiaire. Ses prêts sont souvent concessionnels (à très faible taux), parfois subventionnés et visent à réduire la pauvreté et à favoriser le développement durable en finançant des routes en Afrique, des centrales solaires en Asie ou des programmes d’accès à l’eau potable.
Elle n’a pas vocation à refinancer les dettes d’un État riche ou à couvrir des déficits budgétaires. La France est au contraire l’un des grands actionnaires de la Banque mondiale, qui contribue financièrement à ses programmes, aux côtés des États-Unis, du Japon ou encore de l’Allemagne. Imaginer qu’elle devienne bénéficiaire reviendrait à dire qu’un donateur et grand pourvoyeur d’aides internationales se met à recevoir de l’aide alimentaire d’urgence.
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La France ne répond évidemment pas aux critères d’éligibilité. Elle a pourtant déjà bénéficié du soutien de la Banque mondiale. Il s’agissait alors de financer l’importation de biens d’équipement et des achats de locomotives et de cargo. En bref de reconstruire le pays. C’était en... 1947, au sortir du second conflit mondial te la France était le premier bénéficiaire de l’institution, créée en 1945 d’abord sous le nom de Banque internationale de reconstruction et de développement, précisément pour aider l’Europe.