Deux chirurgiens opèrent depuis Bordeaux le cœur d’un patient en Chine, une première mondiale

«On fait tomber les limites de distance et de frontières». Le 23 octobre dernier, le professeur Thomas Modine et le docteur Lionel Leroux ont réalisé la toute première téléchirurgie cardiaque intercontinentale utilisant le système de «Metraclip». Si l’intervention chirurgicale à distance ne date pas d’hier -  la première expérience de téléopération au monde s’est déroulée en 2001 - il s’agit d’une première mondiale pour une opération cardiaque. Installés dans une salle de réunion du CHU de Bordeaux face à un appareil robotique dernier cri branché à une connexion Internet robuste, les deux praticiens français étaient accompagnés du professeur Wang venu de Chine pour assister à l’évènement, ainsi que de deux autres collaborateurs. À plus de 10.000 kilomètres de là, à l’hôpital cardiovasculaire de l’Université de Xiamen, en Chine, un patient était prêt à être opéré du cœur, d’une fuite mitrale sévère. Sur place, l’équipe médicale chinoise a assuré la préparation de l’intervention et la mise en place des imageries nécessaires. Lorsque tout fut en place, les Bordelais ont pris le relais à distance.

Grâce au robot conçu par la société chinoise Robogenix, piloté depuis Bordeaux, les deux praticiens ont commencé l’opération en positionnent un MitraClip, un petit dispositif permettant de réduire la fuite de la valve mitrale. «Nous avions oublié que nous étions à distance, l’aspect technologique s’est complètement effacé durant l’opération», confie Lionel Leroux au Figaro. La phase de manipulation robotique n’a duré qu’une dizaine de minutes, mais a exigé une précision totale «au millimètre près», précise le Docteur Leroux, enchanté que l’opération ait été aussi rapide que s’il avait été sur place.

Passer la publicité

Un investissement financier et temporel

La connexion vidéo sécurisée fournie par la société française Medinbox assurait une image de haute définition, sans aucune latence, un point essentiel pour guider un geste aussi technique. Une fois le dispositif positionné par les deux chirurgiens français, l’équipe de Xiamen a finalisé les derniers détails de l’intervention.

Le patient, âgé de 73 ans, s’est rapidement remis de l’opération et a pu rentrer chez lui quelques jours après. Pour le CHU de Bordeaux comme pour les équipes chinoises, l’enjeu dépasse largement l’exploit technique. «C’est une prouesse, très symbolique», souligne Lionel Leroux. Cette première mondiale prouve qu’un geste cardiaque complexe peut être réalisé sur de très longue distance, à condition d’allier robotique, connectivité et coopération internationale.

Cette avancée pourrait permettre à certaines zones où les spécialistes sont rares, d’avoir accès à une expertise médicale et pourrait transformer l’accès aux soins cardiovasculaires dans les années à venir. Les équipes bordelaises envisagent déjà de renouveler l’expérience, estimant que «la télémédecine peut être une solution d’avenir qui répond entre autres à des questions écologiques. Cela nécessite néanmoins beaucoup d’argent et de temps pour optimiser le savoir et augmenter les performances ».