Syrie : "Ahmad al-Chareh n'a pas d'expérience de gouvernance, c'est pourquoi il a commis des erreurs", estime un spécialiste

Israël, hostile à toute présence militaire syrienne près de sa frontière et disant vouloir protéger la communauté druze, a répliqué en bombardant Damas et d'autres zones du pays.  
 
franceinfo : est-ce que c'est le signe d'un échec pour le président syrien qui affichait l'ambition d'une transition pacifique du pouvoir ?  
 
Hasni Abidi : C'est un échec, mais c'est un échec programmé, dans la mesure où Ahmad al-Charaa ne dispose pas assez de moyens, financiers ou militaires, pour entamer une transition pacifiée. Et on sait que le coût de la transition est très élevé. Il a fait le pari de se concentrer sur des questions de légitimité de son pouvoir et c'est pourquoi il a adopté un profil rassurant pour toutes les chancelleries occidentales, afin d'obtenir la levée des sanctions. Là, c'est un pari réussi. En revanche, le dossier interne, qui est prioritaire, reste tout de même posé entièrement, surtout celui des relations entre le centre et la périphérie, entre Damas et les minorités. Sachant qu'Ahmad al-Charaa part déjà avec un handicap, celui de ne pas avoir une armée nationale, mais plutôt plusieurs milices rejetées par plusieurs minorités.
 
Chacun se jauge, chacun se défie avec, pour l'instant, une incapacité à unifier de la part du président syrien ? 
 
Il n'a pas d'expérience de gouvernance, c'est pourquoi il a commis des erreurs, mais ce sont des erreurs tout de même qui sont propres à un début de transition difficile. Retirer le Conseil militaire aux Druzes qui avaient jusque-là la capacité exclusive de gérer les questions de sécurité, c'était une erreur. C'était aussi une erreur de ne pas exercer une pression importante sur les tribus bédouines, qui sont aussi armées et qui sont tout autour de la ville de Soueïda. Ces erreurs l'ont fragilisé, l'ont conduit à faire marche arrière et retirer les forces gouvernementales de Soueïda. 
 
Un pouvoir fragile, donc. Au-delà de la Syrie, est-ce qu'il faut s'inquiéter d'un risque d'embrasement ? 
 
L'inquiétude provient du président lui-même. Son discours a montré qu'il était très inquiet. D'ailleurs, il est critiqué dans le monde arabe et aussi critiqué par certains Syriens parce qu'il a adopté un profil presque bienveillant, conciliant avec les Israéliens. Il y avait des contacts indirects via les Émirats arabes unis pour rassurer les Israéliens et pour montrer qu'Ahmad al-Charaa n'était nullement hostile à Israël. Et malgré ce profil et ces assurances, (...) Israël a trouvé une opportunité pour intervenir militairement, à la fois pour gagner sa population druze, mais aussi parce qu'Israël a un plan dans la région, un plan militaire, pas du tout politique. Non seulement pour désarmer la région, mais avoir finalement un environnement complètement vassalisé. Et ça, c'est un gros problème.