Pétition contre Sylvain Tesson: le prince des poètes au pays des médiocres

Une pseudo-pléiade de 600 poètes autoproclamés et inconnus sinon de leurs familles conteste à Sylvain Tesson la présidence du Printemps des poètes (9-25 mars). Il serait trop réactionnaire, pas assez poète... À ces rimailleurs à l'esprit étroit, l'écrivain a d'une certaine manière répondu par avance. D'abord dans son livre Avec les fées (éditions des Equateurs), périple mi-maritime mi-terrestre le long du littoral atlantique entre la Galice et les Shetland, ayant pour objectif de trouver les interstices où se niche encore aujourd'hui le merveilleux.Deux cents pages où jaillit en permanence une poésie des mots et des situations.

Dans le dernier «Club Le Figaro Culture» où je le recevais, entouré d'Eugénie Bastié et Vincent Trémolet de Villers, l'auteur d’Un été avec Rimbaud (ouvrage incontestablement consacré à un poète et coédité par la fort peu réactionnaire radio préférée des 600 bardes tessonophobes, France Inter) est allé encore plus loin: injecter dans une émission de télévision de la poésie à chacune de ses interventions.

Car de même que ce baroudeur fuyant la laideur du monde contemporain techno-cybernétique s'applique, lors de ses voyages, à se mettre, à l'instar de Novalis, «en état de poésie», il parvient, par sa langue suggestive, sa capacité à dériver à voix haute dans un état de rêve, à plonger le téléspectateur dans le même état que lui. En l'écoutant, on est soi-même transporté sur ce bateau depuis lequel il ne fait rien d'autre qu'admirer la beauté des promontoires bretons, anglais, écossais ou irlandais. On est invité à visiter des églises aux noms aussi évocateurs que Notre-Dame des flocons, Notre-Dame des vagues ou Notre-Dame des falaises.

On est incité à relire Byron, Hugo (qui «a mis des korrigans dans ses alexandrins et des lutins dans ses Contemplations») ou Aragon, dont Sylvain tesson a lu et relu son poème Brocéliande durant son périple. Et dont il restitue quelques-uns des vers les plus merveilleux: «Ma Mémoire est un champ sans appogiatures/Un manège qui tourne avec ses chevaliers/Et le refrain qu'il moud vient du cycle d'Arthur»; «La vie est une avoine et le vent la traverse», etc. Aragon, ce poète réactionnaire bien connu…