GHB, viols, discothèques... 5 choses à savoir sur la soumission chimique
51 accusés pour une victime. Lundi s’ouvre à Avignon le procès de la tentaculaire affaire des viols de Mazan. Le principal mis en cause, un retraité de ce petit village du Vaucluse, est accusé d’avoir drogué sa femme pendant dix ans afin de la soumettre sexuellement à plusieurs dizaines d’autres hommes qu’il recrutait via des sites internet. Ce procès historique, qui doit durer quatre mois, met en lumière le fléau de la soumission chimique, qui met sous emprise, chaque année, des centaines de victimes.
Ce phénomène, qui consiste en l’administration à des fins criminelles (viols, actes de pédophilie) ou délictuelles (violences volontaires, vols) de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace, est encore largement sous-traité en France. La députée du MoDem Sandrine Josso, droguée à son insu par le sénateur ligérien Joël Guerriau en novembre dernier, s’est d’ailleurs vue confier une mission gouvernementale sur la soumission chimique. L’objectif : former des recommandations pour sévir contre ce fléau, en mesurant l’efficacité des dispositifs existants et en estimant précisément le nombre de victimes.
En 2021, 721 signalements suspects ont été recensés, dont près de 85% après des dépôts de plainte, selon la dernière enquête de l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui livrait en 2021 ses derniers chiffres sur la soumission chimique. Parmi eux, 82 sont qualifiés par l’enquête de soumissions «vraisemblables», quand ils sont corroborés par une analyse toxicologique ou des aveux concernant son utilisation par l'agresseur, et quand les données cliniques concordent avec la chronologie des faits. Des chiffres encore largement sous-évalués, pointe néanmoins l’enquête. Force est d’ailleurs de constater que les idées reçues sur ces phénomènes d'emprise perdurent.
Le GHB n’est pas la drogue principalement utilisée
Comme chaque année, les médicaments psychoactifs sont majoritairement incriminés (dans 56% des cas), utilisés notamment pour leurs propriétés sédatives comme le Tramadol. On constate néanmoins une nette progression des substances non médicamenteuses, 44% contre 28% en 2020. La MDMA, l’alcool et le cannabis sont cités en tête, loin du cliché persistant selon lequel le GHB serait l’unique «drogue du violeur». En réalité, le GHB n’a été utilisé que dans 4 cas sur les 82 soumissions «vraisemblables» recensées par l’enquête. À préciser que chez les victimes de plus de 15 ans, la boisson alcoolisée est le principal vecteur de soumission chimique suspecté. On retrouve également dans les produits contenant des substances incriminées les boissons non alcoolisées, les aliments et les cigarettes roulées.
La soumission chimique n’a pas lieu qu’en discothèque
La prise du produit à l’insu des victimes ou sous la menace se produit majoritairement dans un contexte privé (42,6% des cas de soumission chimique probable). La députée du Modem Sandrine Josso a notamment été droguée par le sénateur Joël Guerriau au cours d’un dîner chez lui, alors qu’elle le présentait comme «un ami depuis dix ans». Les lieux festifs arrivent en revanche en tête des mentions (35,4% des cas) pour l’ensemble des signalements suspects.
Concernant les cas de «vulnérabilité chimique», qui désignent dans l'enquête l'état de fragilité d'une personne induit par la consommation de substances psychoactives et la rendent donc plus vulnérable à un acte délictuel ou criminel (291 victimes en 2021), les consommations ont lieu principalement en milieu festif (52,6% des cas). En revanche, l’agression se déroule principalement dans des lieux privés (40%).
Les victimes ne sont pas que des femmes
Si la majorité des victimes de soumission chimique vraisemblable (57 cas sur les 82 recensés en 2021) est de sexe féminin, on compte néanmoins 25 hommes. 22 cas d’emprise concernent aussi des mineurs, dont 15 de moins de 15 ans.
La soumission ne concerne pas uniquement des agressions sexuelles
Bien que l’agression sexuelle reste la principale agression rapportée dans les signalements suspects (75,5% des cas) et aussi bien chez les femmes (77,8%) que chez les hommes (48%), la soumission chimique est aussi associée à la violence physique, à la séquestration, au vol ou plus rarement au vandalisme. Dans les faits, près d’une victime sur 3 présente des traces de violence physique, avance l’enquête, et près d’une sur deux rapporte également une amnésie des faits.
Les auteurs ne sont pas forcément inconnus des victimes
Concernant les affaires de soumission chimique vraisemblable, les auteurs sont souvent connus des victimes, à raison de 41,5% des cas. Chez les mineurs de moins de 15 ans, les agresseurs sont même proches des victimes dans la moitié des situations. Concernant les cas de «vulnérabilité chimique», les auteurs présumés sont aussi bien des personnes connues qu’inconnues des victimes et agissent par «opportunisme» ou bien par préméditation.
Que faire si vous suspectez une soumission chimique ?
Les signaux d’alerte sont nombreux : nausées, vertiges, amnésie, sensation de désinhibition, confusion, somnolence... En cas d’agression avérée ou suspectée, il est impératif de conserver le vecteur de substance incriminée suspecté (boisson, nourriture)... Il est également conseillé de faire analyser ses cheveux, qui conservent l’agent de soumission plus longtemps que le sang ou les urines.