Français détenus en Iran : le sort toujours incertain de Cécile Kohler et Jacques Paris, emprisonnés depuis près de trois ans
Immense soulagement pour les proches d'Olivier Grondeau. Le Français est enfin rentré d'Iran après avoir passé 29 mois en détention. La nouvelle a été annoncée par Emmanuel Macron, jeudi 20 mars, trois jours après le retour au pays de cet homme de 34 ans. Ce dernier subit désormais une batterie d'examens à l'hôpital, lui qui était très affaibli ces derniers mois, notamment sur le plan psychologique. La nouvelle relance l'espoir, mais également les inquiétudes autour du sort réservé aux deux derniers Français détenus dans le pays.
Cécile Kohler et son compagnon Jacques Paris ont été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d'un voyage touristique en Iran, où les autorités les accusent d'espionnage. Leurs proches, d'abord, n'ont eu aucune nouvelle pendant des mois. Puis, le 23 novembre, ils ont appris qu'ils se trouvaient dans la section 209 de la prison d'Evin, à Téhéran, une unité de sinistre réputation placée sous contrôle des services de renseignement iraniens. Les deux Français ont été placés à l'isolement complet pendant au moins trois mois, avant de faire de faux aveux diffusés à la télévision d'Etat iranienne.
"Cloîtrée dans 8 m2 sans fenêtre"
Cécile Kohler et Jacques Paris ont reçu trois visites consulaires au total, a expliqué Noémie Kohler, sœur de la Française détenue, lors d'une audition début mars en commission des Affaires étrangères du Sénat. Les contacts sont rares, moins d'une fois par mois, et se limitent à des conversations vidéo de quelques minutes sur WhatsApp, sous surveillance. "Ils ne s'expriment pas sur leur état de santé et leurs conditions de détention réelles." Noémie Kohler a également regretté le "flou total sur leur dossier juridique" et l'absence d'information sur leur procès.
Face aux sénateurs, Noémie Kohler a notamment relaté sa dernière conversation du 19 février avec sa sœur et Jacques Paris. Le septuagénaire dort sur des couvertures "et n'a reçu que huit livres depuis le début de sa détention", a-t-elle rapporté, en faisant observer qu'il ne portait jamais ses lunettes de vue pendant les appels. Par ailleurs, il se plaignait "de partager sa cellule avec une personne dangereuse" et était soumis à des promesses de libération prochaine de la part de ses geôliers, continuellement démenties. "Son visage, de plus en plus creusé, me hante depuis."
Cécile Kohler, elle aussi, souffre grandement de la situation. La Française de 40 ans est "cloîtrée dans une cellule de 8 m2, sans fenêtre, sous vidéosurveillance continue" et "dort à même le sol", précise son avocate Chirinne Ardakani. Ces derniers mois, l'entourage des Français a réclamé, a minima, leur transfert vers le quartier général de l'établissement pénitentiaire, où les conditions sont plus acceptables. En vain jusqu'ici. D'autres Français ont été détenus arbitrairement en Iran avant d'être libérés, dont Louis Arnaud, en juin 2024. Mais la situation semble toujours bloquée pour Cécile Kohler et Jacques Paris.
"On se demande pourquoi il y a un tel acharnement sur leur cas, et pourquoi rien ne bouge pour eux."
Noémie Kohler, sœur de Cécile Kohlerà franceinfo
Agrégée de lettres modernes, Cécile Kohler est enseignante depuis 2009 et siège au Conseil supérieur de l'éducation. Déléguée Force ouvrière, elle a été auditionnée à plusieurs reprises au Parlement pour des textes législatifs. Le 31 janvier, au millième jour de sa détention, ses proches ont organisé un rassemblement à Soultz (Haut-Rhin) pour réclamer l'intervention des pouvoirs publics français.
Peu d'espoir de libération à court terme
Le 17 février, Emmanuel Macron a reçu l'entourage des trois otages, pendant une heure et demie, afin de faire un point sur le dossier. "Le président nous a donné un certain nombre d'informations sur les négociations qui ont eu lieu pour la libération des otages", a alors déclaré Noémie Kohler, sans autre détail. "Ce qu'on a compris, c'est que c'était très compliqué" et que "les autorités iraniennes refusent les solutions qui sont proposées par la France, donc c'est de leur côté que ça bloque."
A ce stade, pour Cécile Kohler et Jacques Paris, aucun signal positif n'a encore été adressé publiquement par l'Iran. "Malheureusement, le président s'était montré plutôt pessimiste pour une libération à court ou moyen terme, a déploré Noémie Kohler devant les sénateurs, et nous sommes ressortis de cette réunion sonnés et découragés."
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Après la libération d'Olivier Grondeau, Emmanuel Macron a toutefois averti que "notre mobilisation ne faiblira pas". "Toutes mes pensées vont vers [les otages] et leur famille en ce jour", a-t-il ajouté. Mardi prochain, leurs portraits seront accrochés aux grilles de l'Assemblée nationale, a précisé l'entourage de la présidente Yaël Braun-Pivet, afin d'exprimer "la solidarité de la représentation nationale".
Depuis 2010, près de 70 citoyens étrangers ou binationaux auraient été détenus en Iran, et il en resterait plus d'une dizaine. La France les qualifie depuis trois ans d'otages d'Etat. Certains chercheurs n'hésitent plus à évoquer une diplomatie des otages visant à exercer une pression politique sur les chancelleries occidentales et à alimenter des thèses complotistes sur les ingérences étrangères, alors qu'une partie de la société iranienne tente d'arracher quelques libertés dans un pays verrouillé par les autorités religieuses et les Gardiens de la révolution. Les proches ont déjà avancé l'idée d'un envoyé spécial de l'Union européenne sur la question des otages en Iran, alors que les négociations sont aujourd'hui menées au niveau de chaque pays.