Israël « troisième plus grande prison » au monde, libération de Julian Assange, 54 journalistes tués… Reporters sans frontières dévoile son bilan 2024

Les journalistes ne « meurent pas », rappelle Anne Bocandé, directrice éditoriale de Reporters sans frontières (RSF). « Ils ont été tués, enfermés, enlevés, s’insurge-t-elle. Il y a des responsables. » L’ONG spécialisée dans la défense des journalistes à l’international a dévoilé, ce jeudi 12 décembre, son bilan annuel. Le constat : 54 journalistes ont été tués, 550 sont emprisonnés et 95 sont portés disparus en raison de leur métier à travers le monde, au 1er décembre 2024.

Une région attire particulièrement l’attention : le Proche-Orient. Année marquée par l’escalade meurtrière de l’armée israélienne dans la bande de Gaza ou dans le sud du Liban, « un tiers des journalistes tués cette année ont péri sous les bombes des forces armées israéliennes », alerte Thibaut Bruttin, directeur général de RSF, dans son éditorial publié en ouverture du bilan 2024.

Des « crimes de guerre commis contre les journalistes »

Depuis le 7 octobre 2023, au moins 145 journalistes ont été tués en Palestine, dont seulement 35 ont pu être identifiés à ce jour par les équipes de RSF. Si la région possède « un bilan de morts plus élevé que tout autre pays depuis cinq ans », RSF alerte aussi sur la situation inquiétante des journalistes survivants. « Israël devient la troisième plus grande prison du monde pour les reporters, résume Anne Bocandé auprès de l’Humanité. Aujourd’hui, il y a 41 journalistes détenus par les forces israéliennes. »

En réaction à la répression menée par le gouvernement dirigé par le premier ministre Benyamin Netanyahou, l’organisation a déposé quatre plaintes auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre commis contre les journalistes par l’armée israélienne ».

Il serait, cependant, réducteur de ne se concentrer que sur les exactions de l’armée israélienne. La situation est globale et, surtout, reste évolutive jusqu’au dernier moment, alors que Reporters sans frontières conclut son bilan au 1er décembre 2024. « Nous le précisons tout au long de notre rapport : il faut rester vigilant avec ces chiffres, explique Anne Bocandé. Nous continuons d’enquêter. » Derrière les seize morts à Gaza, les pays où le plus de journalistes ont été tués en 2024 sont le Pakistan (sept), le Bangladesh et le Mexique (cinq chacun).

« Le Pakistan n’est pas officiellement une zone de conflit et pourtant on remarque une hausse des journalistes locaux tués », regrette la directrice éditoriale de RSF. Pour le Bangladesh, l’organisation évoque les révoltes qui ont eu lieu en juillet dernier et où les journalistes ont été pris à partie pour avoir couvert les manifestations. Enfin, le Mexique reste une terre hostile pour les journalistes. Ce sont ainsi 37 reporters qui y ont perdu la vie depuis 2019, estime RSF.

Le nombre de journalistes détenus en hausse de 7 %

Le pays dirigé par Claudia Sheinbaum a pourtant mis en place des mécanismes de défense pour protéger la presse. « Plus de 600 journalistes disposent d’un mécanisme de protection », détaille Anne Bocandé. Si l’Amérique latine connaît, au global, une baisse de journalistes tués chaque année, cela ne veut pas dire que ces derniers sont moins exposés au danger. « Il y a aussi plus d’autocensure », lance la directrice éditoriale de Reporters sans frontières, qui a participé à la rédaction du rapport.

Outre les journalistes tués, RSF recense aussi ceux qui sont emprisonnés. L’ONG décompte 550 cas à travers le monde. Les trois premiers pays qui en emprisonnent le plus sont la Chine (124, dont 11 à Hong Kong), la Birmanie (61) et, donc, Israël. Le nombre de journalistes détenus est d’ailleurs en hausse de 7 % par rapport à 2023, s’alarme l’organisation de défense de la presse. Le tout alors que, selon le régime en place, la durée des peines appliquées peut exploser. 72 journalistes ont par exemple été « condamnés à plus de 250 ans de prison », énumère le rapport.

Rare motif d’espoir dans ce bilan, les libérations de journalistes se sont, elles aussi, multipliées. Des plus marquantes – notamment celles du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, après quatorze années de batailles juridiques ou de Niloofar Hamedi et Elaheh Mohammadi, deux journalistes iraniennes emprisonnées en 2022 pour s’être intéressées à la mort de Mahsa Amini, tuée pour avoir mal porté son voile – aux plus inattendues – deux journalistes syriennes ont été libérées suite à la chute du régime de Bachar Al Assad -, RSF souhaite « continuer de mettre la pression sur les gouvernements », annonce Anne Bocandé.

Après tout, peu de journalistes peuvent se targuer d’être à l’abri. Il suffit de se pencher sur le cas de la France, dont les derniers mois ont été entachés par des atteintes à la liberté de la presse. Par exemple avec l’arrestation, début décembre 2024, puis une garde à vue de 48 heures, du journaliste Philippe Miller, après avoir dévoilé les pratiques frauduleuses (usurpation d’identité, tarifs exorbitants) du cabinet d’avocat Ziegler. Mais aussi à la journaliste d’investigation Ariane Lavrilleux, dans le viseur de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour avoir épinglé la complicité du gouvernement français – par la vente d’armes – dans les bombardements de civils survenus en Égypte, entre 2016 et 2018. La liberté de la presse est donc loin d’être acquise et reste plus fragile que jamais.

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