Un « apéro géant » pour célébrer la mort de Jean-Marie Le Pen. Sur la place de la République, à Paris, plusieurs centaines de militants se sont réunis quelques heures après l’annonce du décès, mardi, du cofondateur du Front national. Des manifestations de la sorte ont été observées dans plusieurs grandes villes de France. « Ce sale raciste est mort », « La jeunesse emmerde le Front national »… Des slogans aux pancartes, et quelques feux d’artifice, les manifestants ont fait savoir leur opposition à l’homme mort à 96 ans.
Jusqu’à provoquer la réaction du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, sur X : « Rien, absolument rien, ne justifie qu’on danse sur un cadavre. La mort d’un homme, fût-il un adversaire politique, ne devrait inspirer que de la retenue et de la dignité. » Et d’ajouter : « Ces scènes de liesse sont tout simplement honteuses. » La même indignation a été affichée par la porte-parole du gouvernement lors du traditionnel compte rendu du Conseil des ministres. Sophie Primas a repris à son compte les mots employés par Jean-Marie Le Pen lui-même à la mort de Jacques Chirac, en 2018 : « Mort, même l’ennemi a le droit au respect. »
«Hallucinant, lunaire»
Le député socialiste Jérôme Guedj a lui aussi condamné ces rassemblements de joie en réaction au décès de Jean-Marie Le Pen, qu’il qualifie au demeurant d’« ennemi » politique dont il ne faut surtout pas « édulcorer le parcours ». « Il faut une certaine grandeur d’âme et ne pas se réjouir de la mort d’un homme, quel qu’il soit », a-t-il commenté sur Public Sénat mercredi. L’Insoumise Mathilde Panot, à l’inverse, a refusé de les désapprouver. « Je ne suis pas choquée par cette jeunesse qui continue d’emmerder le Front national », a-t-elle affirmé sur RTL. Et de tancer l’hypocrisie de « ceux qui sont dans un esprit “Charlie” le matin, et puis le soir sont choqués que des gens puissent faire une blague ou un rassemblement symbolique sur la mort d’un dirigeant d’extrême droite » qui était un « ennemi de la République ».
À l’exception de Bruno Retailleau, la droite a été relativement silencieuse après l’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen. Le chef des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, n’a pas réagi officiellement. À la déclaration du premier ministre, François Bayrou, estimant que, « au-delà des polémiques qui étaient son arme préférée », Jean-Marie Le Pen « aura été une figure de la vie politique » et un « combattant », le député LR Julien Dive a répondu : « À vouloir être trop centré sur soi et celle qui tient la corde du pendu, on réécrit l’histoire en “polémiques” là où il s’agit de scandales et de condamnations judiciaires. » Son collègue Aurélien Pradié (non inscrit depuis qu’il a quitté LR) a renchéri : « Je n’ai pas d’hommage pour Jean-Marie Le Pen. La mort n’efface pas tout. Respecter le deuil n’est pas blanchir. Les thèses qu’un homme a défendues durant sa vie ne sont pas un détail. »
La gauche a elle aussi vivement regretté les mots employés par le premier ministre. « J’ai trouvé ça hallucinant, lunaire », s’est emporté Jérôme Guedj. Plus globalement, les élus du camp progressiste ont insisté sur le fait que la mort de Jean-Marie Le Pen n’empêche pas que « ses idées demeurent », comme l’a écrit le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard.
Si les Insoumis se sont montrés prompts à réagir, les autres partis de gauche ont plutôt tardé à communiquer sur la mort du « Menhir », quand ils l’ont fait. Mardi après-midi, un cadre socialiste minimisait l’événement en l’assimilant à « un détail dans la journée d’hommage à Charlie ». Le premier secrétaire, Olivier Faure, a fini par sortir du silence en début de soirée en estimant sur X qu’« il n’y a aucune bienveillance à accorder au passé d’un homme qui a torturé en Algérie et qui pensait que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire ». Son homologue écologiste, Marine Tondelier, n’a quant à elle pas tweeté sur le sujet, préférant dénoncer la condition des femmes afghanes.