À Nice, les propos d’un imam qui dénonce une ville «haineuse et raciste» suscitent la polémique
La fin du ramadan à Nice (Alpes-Maritimes) s’est accompagnée d’une polémique après les propos controversés tenus à la télévision algérienne par un imam niçois, Mahmoud Benzamia, et révélés par le quotidien régional Nice-Matin. Dans un reportage télévisé en date du 12 mars, le recteur de la mosquée En-nour se félicite, aux côtés du consul d’Algérie, de diriger «un centre islamique algérien à Nice» et assure défendre son pays dans «cette ville qui est haineuse et raciste». Des propos d’autant plus inflammables dans un contexte de tensions diplomatiques persistantes entre la France et l’Algérie. Le consulat d’Algérie à Nice avait d’ailleurs suspendu ses relations de travail début mars avec les autorités locales compétentes, entraînant des blocages administratifs.
À la suite de ces propos visant la capitale azuréenne, le maire Christian Estrosi (Horizons) a fait part de son intention de saisir le ministère de l’Intérieur et de déposer plainte. Récemment, l’édile s’est montré à plusieurs reprises très critique vis-à-vis de l’attitude du gouvernement algérien, notamment sur le cas de l’écrivain emprisonné Boualem Sansal, qu’il a nommé citoyen d’honneur.
Par ailleurs, il existe un autre contentieux entre l’édile et le prédicateur concerné, Mahmoud Benzamia. L’élu s’était opposé avec force à la construction de la mosquée En-nour dans la technopole de la plaine du Var en raison d’interrogations sur l’origine des financements. Il soupçonnait ainsi le rôle trouble du ministre des Affaires islamiques d’Arabie saoudite derrière ce projet. Après dix ans de débats et de procédures autour de cette mosquée de la discorde, la justice a classé l’affaire, faisant de l’imam une figure respectée et une sorte de symbole de résistance face à un baron de la droite.
«Un islam éclairé, pacifique et respectueux des lois françaises»
Pour autant, la récente déclaration de Mahmoud Benzamia à la télévision algérienne serait loin de faire consensus parmi les fidèles, estimés à près de 30.000 dans le département entre ressortissants tunisiens, marocains et algériens. Tout comme sa gestion de la mosquée : selon Nice-Matin, des bénévoles auraient même refusé de préparer un office pour manifester leur mécontentement à son égard, un fait rare.
Dans deux communiqués successifs, les représentants d’En-nour ont essayé d’apporter des clarifications pour apaiser la situation. «Je regrette que la ville de Nice que nous aimons tant ait pu être caractérisée, de manière déformée, de raciste et haineuse», a indiqué Adil Echaoui, le président de l’association qui gère la mosquée. «Je présente ainsi toutes mes excuses aux personnes qui ont pu se sentir offensé», a-t-il poursuivi, martelant son «indépendance» et rappelant que l’institut En-nour promeut «un islam éclairé, pacifique et respectueux des lois françaises». Une manière de désapprouver et de se désolidariser de la sortie polémique de son imam.
Mahmoud Benzamia a quant à lui dénoncé des propos «sortis de leur contexte et interprétés de manière erronée». «Mon intention n’a jamais été de porter atteinte à la ville de Nice, à ses habitants ou à ses institutions. Le mot traduit maladroitement de l’arabe concernait la région», explique-t-il, en soulignant «un contexte plus large d’augmentation du racisme en France». L’imam réfute aussi «catégoriquement» servir le pouvoir algérien ou d’autres intérêts étrangers. «Mon engagement est exclusivement religieux et spirituel», insiste-t-il.
Comité de suivi
Cette année, l’Aïd-el-Fitr a été célébrée sans incidents à Nice, malgré le contexte des propos hasardeux de cet influent imam niçois. Deux offices ont réuni près de 15.000 fidèles dans le palais Nikaïa, loué par l’Union des musulmans des Alpes-Maritimes (Umam). L’an dernier, la fédération avait refusé cette location sur fond de tensions avec le maire Estrosi en lien avec sa position pro-israélienne dans le conflit avec la Palestine. Près de 2500 personnes se sont aussi rendues à la mosquée En-nour.
L’Umam et En-nour, par l’intermédiaire de leurs imams, entretiennent une rivalité ces dernières années pour des enjeux d’influence. La sortie de l’imam Benzamia pourrait alors l’affaiblir.
La mairie de Nice a annoncé vouloir relancer un «comité de suivi municipal du culte musulman» regroupant élus et représentants de la religion dans une démarche d’apaisement. Cinq ans après sa disparition, une première réunion pourrait se tenir en avril. Une manière aussi d’éviter de nouvelles polémiques.