IA chinoise DeepSeek : un "avertissement" pour les États-Unis selon Trump, des droits de douanes en perspective
Donald Trump a estimé lundi 27 janvier que le succès de DeepSeek, le rival chinois de ChatGPT à bas prix qui bouscule la Silicon Valley et les marchés, constitue un "avertissement" pour les États-Unis.
"J'espère que le lancement de l'intelligence artificielle (IA) DeepSeek par une société chinoise sera un avertissement pour nos industriels et leur rappellera qu'il faut rester très concentrés sur la concurrence pour gagner", a dit le président américain, s'exprimant devant des élus du Parti républicain en Floride.
DeepSeek a sorti la semaine dernière un nouveau modèle d'IA générative, R1, jugé aussi performant que ses concurrents américains. La start-up éponyme assure que sa mise au point ne lui a coûté que 5,6 millions de dollars, à comparer avec les milliards dépensés par OpenAI, Microsoft, Google et d'autres sociétés du secteur.
La semaine dernière, peu après son investiture pour son second mandat, Donald Trump a annoncé un grand projet d'infrastructure d'IA impliquant notamment OpenAI et la société japonaise SoftBank, soulignant que la concurrence avec la Chine était l'une des principales motivations.
L'essor de DeepSeek, la rivale chinoise de ChatGPT, avec des ressources limitées par rapport aux géants américains de l'intelligence artificielle (IA) générative, a ébranlé la Silicon Valley, suscitant des accusations de tricherie et des mises en garde de Davos à la Maison Blanche.
La sortie de R1, le dernier modèle de la start-up chinoise, a initialement reçu une attention limitée aux États-Unis, éclipsée par l'investiture de Donald Trump. Mais ce week-end, DeepSeek est devenue l'application gratuite la plus téléchargée sur l'App Store américain d'Apple, supplantant ChatGPT, le chatbot d'OpenAI qui a lancé la course à l'IA générative fin 2022.
Le "moment Spoutnik de l'IA"
Donald Trump a dit espérer que le choc suscité par l'application chinoise sera "positif" pour les entreprises américaines, forcées de se remettre en question sur leurs investissements faramineux, notamment dans les puces de pointe de Nvidia.
"Cela pourrait être positif", a-t-il dit. "Au lieu de dépenser des milliards et des milliards, vous dépenserez moins et avec un peu de chance vous parviendrez à la même solution". Le chef de l'État a fait ce commentaire après une journée noire pour la tech américaine à Wall Street.
Nvidia, qui a décollé ces deux dernières années grâce à la forte demande pour ses composants, a plongé en Bourse lundi. Nvidia, géant californien des semi-conducteurs nécessaires au développement de l'IA générative, a vu son action sombrer de près 17 %.
Au cours de la séance, l'entreprise a perdu 589 milliards de dollars de capitalisation boursière, l'une des pires pertes de l'histoire selon la presse américaine. Le champion américain des puces a également perdu sa place de première capitalisation mondiale, derrière Apple et Microsoft.
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Les capacités du nouveau modèle chinois, équivalentes à celles des leaders américains du secteur, inquiètent l'industrie parce qu'elles ont été obtenues à une fraction du coût. L'entreprise a par ailleurs déclaré avoir subi une cyberattaque lundi. Le chatbot a fonctionné normalement plus tard dans la journée.
"Deepseek R1 est le moment Spoutnik de l'IA", a déclaré Marc Andreessen, investisseur réputé dans la "tech" et allié de Donald Trump, établissant un parallèle avec le lancement en 1957 du premier satellite artificiel de la Terre par l'Union soviétique, qui avait stupéfié le monde occidental.
Les États-Unis ont pris des mesures pour préserver leur statut dominant dans l'IA, y compris des contrôles à l'exportation des semi-conducteurs de pointe.
Des droits de douanes sur les semi-conducteurs
Dans la même logique, Donald Trump a annoncé lundi que les États-Unis allaient imposer dans un "avenir très proche" des droits de douane sur les semi-conducteurs, mais aussi sur les produits pharmaceutiques et les métaux tels que l'acier.
S'exprimant devant des élus républicains à Miami, le président américain, qui agite constamment cette menace douanière depuis son retour au pouvoir le 20 janvier, a justifié une telle mesure pour "ramener la production de ces biens essentiels aux États-Unis".
"Si vous voulez arrêter de payer les taxes ou les droits de douane, vous devez construire votre usine ici en Amérique", a-t-il lancé à destination des entreprises étrangères.
"Je vais également imposer des droits de douane sur l'acier, l'aluminium et le cuivre, ainsi que sur les produits dont nous avons besoin pour notre armée", a-t-il encore ajouté.
Les droits de douane sont un élément clé du programme économique de Donald Trump pour obtenir des concessions y compris de partenaires proches comme le Canada, le Mexique ou l'Union européenne.
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Ces mesures avaient entraîné des représailles de la part des principaux partenaires commerciaux des États-Unis.
Selon les économistes, les droits de douane pourraient peser sur la croissance et aggraver l'inflation, car les importateurs peuvent répercuter ces frais supplémentaires sur le coût final payé par le consommateur américain.
Mais pour les soutiens de Donald Trump, les droits de douane constituent un moyen de négocier et de remédier à ce qu'ils estiment être des pratiques commerciales déloyales.
Entreprise chinoise, DeepSeek n'a pas accès aux puces chères et ultra perfectionnées de la californienne Nvidia, utilisées pour entraîner les modèles d'IA générative tels que ChatGPT. "Si la Chine rattrape rapidement les Etats-Unis dans la course à l'IA, l'économie de l'IA sera bouleversée", a averti Kathleen Brooks, directrice de recherche chez XTB, dans une note aux clients.
Satya Nadella, le patron de Microsoft, a affirmé sur les réseaux qu'une IA moins chère était bénéfique pour tout le monde. Mais à Davos la semaine dernière, il avait appelé à "prendre très, très au sérieux les développements en provenance de Chine".
Son groupe prévoit d'investir 80 milliards de dollars dans l'IA cette année. Meta (Facebook, Instagram) a de son côté annoncé vendredi que ses dépenses en capitaux allaient grimper à au moins 60 milliards de dollars cette année, principalement à cause de l'IA.
Les restrictions à l'exportation poussent les start-up chinoises à innover "en privilégiant l'efficacité, la mise en commun des ressources et la collaboration", a souligné la MIT Technology Review.
"Le travail de DeepSeek illustre comment de nouveaux modèles peuvent être créés" à l'aide de techniques différentes, "en s'appuyant sur des modèles largement disponibles et sur des puces entièrement conformes aux règlements sur les exportations", a déclaré à l'AFP une porte-parole de Nvidia.
Elon Musk, qui a abondamment investi dans sa société xAI, et le patron de ScaleAI, une start-up soutenue par Amazon et Meta, soupçonnent DeepSeek d'accéder secrètement aux puces H100 de Nvidia, les plus sophistiquées.
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Des accusations d'une "équipe de gosses de riches" qui s'est fait "doubler par une équipe de gosses de pauvres", a réagi sur X l'investisseur Jen Zhu Scott, basé à Hong Kong.
Le gouvernement américain voit dans le développement d'une IA toujours plus puissante un enjeu de sécurité nationale. Cette obsession s'est traduite par des décrets exécutifs sous Joe Biden, des obligations des entreprises aux contrôles à l'exportation.
Donald Trump a de son côté annoncé la semaine dernière un grand projet d'infrastructure d'IA impliquant notamment OpenAI et la société japonaise SoftBank, la concurrence avec la Chine étant l'une des principales motivations affichées.
S'exprimant devant des élus lundi, il a jugé que DeepSeek constituait un "avertissement" pour les industriels américain à "rester très concentrés sur la concurrence pour gagner".
Avec AFP