Cannes 2025 : La petite dernière, Hafsia Herzi a gagné ses galons de cinéaste

Les choses ont certes changé et les femmes cinéastes ont de plus en plus droit de cité en Compétition au festival de Cannes. Mais sept ans après la montée des marches de 82 femmes (symbolisant à ce moment le nombre de films de réalisatrices sélectionnées depuis les débuts du festival en Compétition) pour réclamer l’égalité, elles sont sept à concourir pour la Palme d’or dans cette édition sur un total de 22 films, soit 32 %. On est encore loin de la parité espérée. La projection de La petite dernière d’Hafsia Herzi a été l’occasion pour le collectif 50/50 de rappeler cet objectif sur le tapis rouge.

C’est un excellent choix de le faire sur ce long métrage passionnant et puissant, adaptation du roman éponyme de Fatima Daas (Noir sur blanc). Révélée en 2007 par la Graine et le Mulet d’Abdellatif Kechiche comme comédienne Hafsia Herzi a depuis fait du chemin. César de la meilleure actrice en février dernier pour son rôle de surveillante pénitentiaire d’une prison corse dans Borgo de Stéphane Demoustier, elle s’est construit une carrière riche et originale avec Kechiche (Mektoub My love) mais aussi Alain Guiraudie (le Roi de l’évasion), Bertrand Bonello (L’Apollonide- souvenirs de la maison close), Mehdi Ben Attia (l’Amour des hommes) ou Iris Kaltenback (Le ravissement). Elle est surtout devenue cinéaste avec un très beau premier long d’inspiration kéchichienne, Tu mérites un amour, ballade amoureuse dans un Paris estival et le plus classique Bonne mère, le portrait empathique d’une femme de ménage dévouée à ses enfants dans les quartiers nord de Marseille.

Un univers dont elle ignore les codes et les pratiques

La petite dernière de son troisième long métrage, c’est Fatima (Nadia Melliti), adolescente garçonne de 17 ans. Musulmane pratiquante, sportive, elle est aussi la copine devant laquelle ses potes se vantent volontiers de leurs performances sexuelles. Bonne élève, la jeune femme s’interroge depuis qu’elle a identifié son attirance pour les femmes. Des applis lui permettent de rencontrer des lesbiennes et de découvrir un univers dont elle ignore les codes et les pratiques.

La Petite Dernière, c’est l’esprit de Kechiche en version queer. Même goût du naturalisme, des corps et des visages filmés au plus près, des questionnements sur les représentations culturelles et de l’authenticité des scènes, qu’il s’agisse de la marche des fiertés, de fêtes à la Mutinerie, QG lesbien parisien, ou de la fabrication des madeleines par la mère de Fatima. Hafsia Herzi s’attache aussi à la question sociale en la traitant sans discours surplombant dans une chronique familiale où se dessinent des assignations de genre refusées par l’héroïne. Volontiers tourné à l’épaule pour les scènes extérieures, le film donne à voir l’image d’une France complexe, intersectionnelle, multiculturelle et à la sexualité plurielle. Une France qui réfléchit et parle cru. Fatima, fille de banlieue, endosse une partie des codes supposés des quartiers populaires, tout en allant à l’université. Un personnage qui questionne le regard avec son désir de conserver à la fois une identité propre, l’affection de ses proches, tout en vivant comme elle l’a choisi.

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