Lac artificiel au Théâtre ouvert: la descente aux enfers de deux adolescentes

Laura a trop bu de vodka pomme. Elle ne tient plus debout. Salomé, sa meilleure amie tente de l’aider. Elles attentent que le Pacha Club ouvre ses portes, mais la discothèque semble fermée. Il est tard. Elles décident de se rendre vers un lac où se déroule une fête. Le chemin qui les entraîne à la lisière d’une forêt va les mener à leur perte. Dans sa pièce, Lac artificiel, lauréate de l’aide à l’écriture Beaumarchais (Édition Théâtre Ouvert, Tapuscrit, 2023), Marine Chartrain raconte la descente aux enfers de deux jeunes femmes cabossées. Le souhait de la metteuse en scène et architecte Céleste Germe n’était pas tant de proposer un spectacle qu’une lecture performance visuelle et sonore. Un « thriller psychologique » qui pourrait être diffusé à la radio.

Au festival d’Avignon, il y a trois ans, on avait été marqué par un Petit Chaperon rouge, déjà dans une esthétique envoûtante dont le collectif Das Plateau a fait sa marque de fabrique. Là, l’excellente comédienne Maëlys Ricordeau est tour à tour Laura et Salomé. La première a priori plus fragile, d’une voix perchée. La seconde qui la protège, du moins au début, avec une tonalité plus rauque. En difficulté dans un endroit hostile, en pleine nuit, les adolescentes perdent leurs repères et tombent le masque. Elles se révèlent au fur et à mesure, sans frein, règlent leurs comptes, se confient aussi leurs espoirs et leurs peurs.

Maëlys Ricordeau, d’une justesse confondante

Cheveux longs, en pantalon ample, puis serré, une gourde à portée de main, Maëlys Ricordeau est d’une justesse confondante. Elle parvient à rendre Laura et Salomé vivantes et à susciter de l’empathie. L’actrice caméléon qui s’illustre aussi dans des doublages a du mérite car elle est dans une position statique, assise face à la salle pendant près d’une heure vingt. La chaise en plexiglas est assortie à la table sur un plateau vierge.

Elle accomplit en outre plusieurs tâches. Elle jette les pages transparentes sur le sol après les avoir parcourues. Et règle en parallèle les répliques d’autres personnages en appuyant sur un clavier (création sonore J. Stambach et dispositif son et vidéo Jérôme Tuncer). La technique ne lui pose aucun problème. Éclairée par Sébastien Lefèvre, Maëlys Ricordeau réussit à immerger le public dans une histoire dont aucune des deux héroïnes, ni le spectateur d’ailleurs, ne sort indemne. Mais ne dévoilons pas tout. En 2022, Das Plateau avait déjà parlé d’une femme confrontée à la violence masculine dans Poings de Pauline Peyrade.

Lac artificiel, au Théâtre ouvert  (Paris 20e), jusqu’au 12 avril. Tél. : 01 42 55 55 50 ou resa@theatreouvert.com