Présidentielle 2028 : Gavin Newsom, pourfendeur de Trump, peut-il incarner l'espoir démocrate ?
Propulsé sur le devant de la scène depuis son discours du mardi 10 juin, où il a vivement dénoncé la réponse autoritaire de Donald Trump aux protestations à Los Angeles, le gouverneur de Californie Gavin Newsom est désormais perçu par certains comme un potentiel candidat à l'élection présidentielle américaine de 2028.
Depuis que des manifestations contre des arrestations de migrants clandestins ont éclaté vendredi, le démocrate de 57 ans ne se montre pas avare de critiques envers le président républicain. Il l'accuse notamment d'attiser les tensions avec sa décision de déployer des milliers de soldats dans la mégapole californienne.
Gavin Newsom accuse aussi le gouvernement fédéral d'outrepasser ses pouvoirs et a demandé à la justice de suspendre la réquisition de la Garde nationale.
Mais dans son allocution largement relayée par les médias, Gavin Newsom ne s'est pas cantonné de défendre l'État qu'il dirige. Il s'est présenté comme le défenseur de la démocratie américaine, prenant ainsi une nouvelle ampleur. "La démocratie est attaquée sous nos yeux, le moment que nous redoutions est arrivé", a-t-il lancé. "Ce que nous voyons n'a pas trait à l'application de la loi – il s'agit d'autoritarisme. La Californie est peut-être la première. Mais ce ne sera pas la dernière. D'autres États suivront. La démocratie est la prochaine cible."
Une prise de parole très solennelle, entourée par des drapeaux américain et californien, avec un texte préparé et envoyé par avance aux médias, a relevé la presse américaine.
"Lorsque Gavin Newsom s'est présenté devant les caméras mardi soir, il était encore le gouverneur de Californie s'adressant à ses électeurs. Mais une fois son discours terminé, il est devenu évident que l'homme ne parlait pas qu'aux citoyens de son État, mais aussi à son pays tout entier, et à son parti aux abois", a notamment écrit le New York Times.
"Donald Trump est ce qui lui arrivé de mieux"
Pour cet ambitieux quinquagénaire, à la tête depuis 2019 de l'État le plus peuplé et le plus puissant économiquement des États-Unis, les troubles et le bras de fer engagé avec Donald Trump pourraient bien représenter une opportunité en vue de la présidentielle de 2028. "Donald Trump est ce qui lui arrivé de mieux", ironise Olivier Richomme, professeur en civilisation américaine à l'Université de Lyon.
Gavin "Newsom est parvenu à se faire entendre là où les démocrates ont du mal à exister politiquement et médiatiquement. Il est difficile d'être audible en ce moment, dans ce brouhaha trumpien ou une annonce en chasse une autre", souligne le chercheur. Par ailleurs, le parti démocrate, encore marqué par sa défaite à la présidentielle, est en pleine remise en question.
Après une phase d'apathie face au raz-de-marée Maga, les démocrates attendaient de pouvoir se ranger derrière une personnalité capable de rivaliser. "Il y a une envie de l'électorat qui n'a pas voté pour Donald Trump d'en découdre", pointe Olivier Richomme. "Même si on voit bien l'intérêt politique qu'il y a derrière, il était grand temps qu'une figure politique de premier plan tienne tête à Donald Trump. Jusqu'ici, les gouverneurs démocrates du Michigan, Gretchen Whitmer, et de Pennsylvanie, Josh Shapiro, brillaient par leur absence."
Si elle a pris une nouvelle envergure, la querelle entre Donald Trump et Gavin Newsom ne date pas d'hier, et s'explique en partie par les ambitions affichées du Californien.
Les démocrates se cherchent "un battant"
Le milliardaire républicain répète à l'envi que le gouverneur de Californie fait du "boulot horrible" et a encore affirmé lundi qu'une arrestation du gouverneur pour entrave aux opérations d'arrestations de migrants serait "super".

"Le président des États-Unis vient d'appeler à l'arrestation d'un gouverneur en exercice", a dénoncé Gavin Newsom sur les réseaux sociaux lundi. "C'est un pas incontestable vers l'autoritarisme", a ajouté cet ancien maire de San Francisco, qui n'hésite plus à répondre du tac au tac aux piques Maga lancées contre lui sur X.
Le ton de défiance adopté par Gavin Newsom devrait ravir la base démocrate, assure Jeff Le, un ancien responsable auprès du gouverneur démocrate Jerry Brown en Californie, celle-ci cherchant "désespérément un battant".
À lire aussiCalifornie : le réveil des Démocrates ?
Pour ce consultant en affaires publiques, un face-à-face qui s'éterniserait à Los Angeles, et particulièrement une escalade dans la violence ou le vandalisme, pourrait cependant annihiler le capital sympathie potentiellement engrangé par le gouverneur.
En six ans à la tête de la Californie, Gavin Newsom, cheveux grisonnants gominés vers l'arrière et sourire impeccable, a mis l'accent sur certaines priorités de la gauche américaine comme le droit à l'avortement, mais il s'est clairement positionné en tant que modéré.
Depuis plusieurs années, il tente de se faire connaître du reste du pays, comme avec ce débat l'an dernier l'opposant au gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, sur Fox News, la chaîne favorite des conservateurs aux États-Unis.
Une proximité "embarrassante" avec le clan Trump
Pour Olivier Richomme, si Gavin Newsom apparaît depuis son discours comme le "premier opposant", "il est loin d'être le candidat idéal".
Gavin Newsom ne fait pas l'unanimité dans son camp. Il s'est attiré des critiques pour ses politiques de répression envers les campements de sans-abri, nombreux en Californie.
Certains lui tiennent rigueur aussi de sa proximité affichée avec certains républicains, comme en témoigne le lancement en mars d'un podcast où il invite certaines personnalités de droite, notamment l'influenceur conservateur Charlie Kirk.
"Gavin Newsom avait fait ça pour se montrer ouvert, montrer qu'il écoutait la base, et qu'il avait appris les leçons de 2024. Mais sa ligne n'était pas très claire. Ses podcasts avec des Maga ont mécontenté les démocrates", commente Olivier Richomme.
L'ex-maire de San Francisco est aussi perçu comme un politicien carriériste, mu par l'opportunisme et manquant d'authenticité. Il traine aussi quelques casseroles qui seront certainement utilisées contre lui pour le caricaturer : cure de désintoxication alcoolique, relation extraconjugale avec l'épouse d'un de ses conseillers de campagne.
Depuis, il a divorcé en 2006 de son épouse d'alors, la juriste Kimberly Guilfoyle, qui a ensuite opéré un virage spectaculaire en devenant d'abord présentatrice sur Fox News, puis en partagent la vie de Donald Trump Jr. depuis 2018. Une proximité avec le clan Trump que Gavin Newsom a lui-même qualifiée d'"embarrassante".

Selon le politologue Olivier Richomme, "le parti démocrate aura besoin, en vue de 2028, d'une véritable primaire ouverte pour faire émerger la figure idéale – à l'inverse de ce qui s'est passé en 2024. Car les démocrates disposent de nombreux candidats très compétents – et il n'est pas difficile d'être plus compétent que Donald Trump. En revanche, Trump reste un adversaire électoral redoutable".
Avec AFP