«Nous passons au niveau de répression supérieur» : à Bordeaux, le procureur de la République sévit contre les rodéos urbains
Pas vu, pas pris ; pris, vendu. C’est désormais la nouvelle politique du procureur de la République de Bordeaux, Renaud Gaudeul, qui s’applique aux véhicules des auteurs de rodéos urbains. Tout conducteur soupçonné de cette infraction, preuves à l’appui, verra son véhicule saisi et vendu avant son jugement. Un moyen de frapper au cœur (et au portefeuille) pour faire entendre la raison à ces passionnés d’automobile - qui le plus souvent sont inconnus de la justice. «Nous passons à un niveau de répression supérieur en confisquant et en vendant les véhicules dans la foulée de leur saisie. Je veux croire que cela peut avoir un effet dissuasif», a ainsi déclaré le procureur de la République à l’occasion d’une conférence de presse, vendredi. Autrement dit : quelle que soit sa sentence, l’auteur d’un rodéo urbain ne pourra jamais récupérer sa voiture qui aura déjà été vendue par la justice.
Et le Ministère public bordelais d’ajouter : «C’est une politique qui rapporte de l’argent à l’État, nous avons aucune raison de nous limiter dans cette action.» Une répression, qui s’inscrit dans le cadre de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos urbains, qui porte déjà ses fruits. Confisquée à la suite d’un run le 2 mai, une BMW série 1 estimée à 30.000 euros et une Audi RS3 d’une valeur de 40.000 euros ont été frappés d’une décision de vente avant jugement le 9 mai dernier ; tandis que leurs propriétaires, eux, écopaient d’un contrôle judiciaire et d’une interdiction de conduire tous véhicules à moteur dans l’attente de leur convocation devant la justice, en août.
Nouveaux moyens de surveillance
Pour identifier ces auteurs de runs urbains, la police nationale de Bordeaux a mis en place une nouvelle méthode qui repose sur «un dispositif discret» doublé de l’usage de drones permettant de «collecter du renseignement». Objectif : parvenir à identifier et punir leurs auteurs sans systématiquement intervenir en flagrance afin d’assurer la sécurité des policiers, du conducteur et des nombreux spectateurs. Très souvent, les runs urbains, aussi appelés «courses d’exhibition», consistent en effet pour les conducteurs à rouler à toute allure et à quelques centimètres des spectateurs. Le tout, sans compétence avérée car il ne s’agit pas de pilotes professionnels et entraînés tels que ceux des grandes écuries de Formule 1.
«Ce sont des personnes qui ont une passion qu’ils assouvissent mal. Nous pouvons comprendre leur regret de ne pas avoir une piste [automobile à grande vitesse, NDLR] habilitée en Gironde, mais cela ne justifie pas qu’ils s’approprient la voie publique. Par ailleurs, un certain nombre de leurs comportements ne seraient pas tolérés sur une piste spécialisée», précise le commandant Éric Krust, directeur adjoint de la police nationale à Bordeaux.
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Mobilisée tous les week-ends sur le sujet, la police nationale de Bordeaux a conscience que le problème se déplace et qu’à chaque fois qu’un site de rodéos urbains est nettoyé - notamment grâce à des aménagements urbains -, un nouveau point de rassemblement éclot. Le dernier lieu «en vogue» chez les pasionnés se situe autour du parc des expositions de Bordeaux. «Nous traitons chaque site, les uns après les autres et nous voulons peser sur les esprits pour que les gens cessent ces comportements», indique le commissaire général. Une quinzaine de dossiers, qui devraient conduire à des interpellations pour «mise en danger de la vie d’autrui» et non respect de plusieurs obligations du code de la route, sont ainsi en cours de traitement par le parquet de Bordeaux.
Des parents condamnables ?
Reste à traiter le dernier volet de ces runs urbains : celui des spectateurs, qui viennent nombreux et sans lesquels les conducteurs auraient moins d’intérêt à s’exhiber aussi dangereusement. Si assister à un rodéo urbain sur la voie publique n’est pas condamnable en soi pour l’heure, en faire la promotion sur les réseaux sociaux ou participer à leur organisation tacite en diffusant heure et lieu de rendez-vous peut l’être. Le parquet de Bordeaux envisage aussi de poursuivre en justice les parents qui viennent avec leurs jeunes enfants pour «mise en danger de la vie d’autrui». Un chef d’accusation dont la condamnation dépendrait alors de l’interprétation des juges.