Claire Blandin, commissaire de l’exposition des 200 ans : «Le Figaro a participé à deux siècles d’histoire »

Professeur des universités à Sorbonne-Paris-Nord, spécialiste de l’histoire de la presse et autrice de plusieurs ouvrages sur le Figaro, Claire Blandin est commissaire de la grande exposition organisée au Grand Palais du 14 au 16 janvier à l’occasion des 200 ans du journal. Elle a conçu cet évènement, qui doit accueillir 30.000 visiteurs, avec Guillaume Perrault, rédacteur en chef Histoire du Figaro.

LE FIGARO. - Que raconte l’exposition « 1826-2026. Le Figaro , 200 ans de liberté » ? 
Claire Blandin. - Elle montre de quelle manière Le Figaro a participé à deux siècles d’histoire depuis 1826, elle explique comment un média participe à la construction de l’actualité en mêlant les récits de l’histoire de France, des médias et du journal. Bien sûr, au cours de ces deux siècles, le contexte politique, économique et culturel a beaucoup évolué, et Le Figaro lui-même a changé. Il n’a pas toujours été quotidien, il ne s’est pas toujours intéressé à la politique… Nous montrons, par exemple, à quel point la littérature, qui est un de ses fondements au début du XIXe siècle, reste importante dans ses colonnes pendant deux cents ans. Nous évoquons aussi les relations du journal avec les mondes de la mode ou sa place dans l’invention et le développement du grand reportage.

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Comment est-elle mise en scène ? 
De grandes reproductions du journal sont accrochées sur quatre échafaudages de 6 mètres de haut et 25 mètres de long sous la nef du Grand Palais. Ces « murs » délimitent deux « avenues » dans lesquelles le visiteur est invité à déambuler. Le parcours suit la chronologie de l’histoire du journal.

Quelles sont les « raretés » de l’exposition à ne pas manquer ? 
L’exposition présente un certain nombre de pièces d’archives uniques : au bout des « avenues », des vitrines accueillent des manuscrits de grands écrivains ayant publié dans Le Figaro. Notre démarche, avec Guillaume Perrault, a été de montrer comment un texte manuscrit se transformait en article de presse. Nous avons aussi obtenu le prêt de deux œuvres d’art majeures liées au journal. À l’entrée de l’exposition, le manuscrit original du Mariage de Figaro, de Beaumarchais, sera présenté. Dans ce texte, le jeune valet défend la liberté d’expression, plaidoyer écrit juste avant la Révolution française, et que les créateurs du Figaro reprendront à leur compte sous la Restauration.

Avez-vous eu des difficultés à retrouver des documents ? 
Oui et non… Les images que nous proposons sont des documents publiés, la plupart sont conservées à la Bibliothèque nationale de France dans le cadre du dépôt légal. Mais certains exemplaires rares, notamment des suppléments du Figaro, ont été retrouvés dans les collections conservées par le journal. Cela a été plus compliqué pour les archives à proprement parler, les documents produits par les journalistes et les entreprises de presse dans le cadre de leur travail. La difficulté est fréquente quand on travaille sur l’histoire de la presse. Les entreprises de presse n’ont pas d’obligation de déposer leurs archives et pensent rarement à le faire. Les journalistes quittent souvent leur bureau en emportant tous leurs papiers sous le bras. C’est ce qui explique que l’histoire du Figaro a largement été écrite grâce à des fonds d’archives privées, comme celles de la famille de Pierre Brisson, déposées au début des années 2000 à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine.

C’est une exposition « immersive » grâce à plusieurs vidéos ? 
Oui, les « murs » de l’exposition accueillent des « alcôves », des espaces dans lesquels nous proposons un focus sur un événement ou une thématique. On trouve dans chacune d’elles un écran projetant une boucle vidéo de trois minutes. Surtout, dès la nuit tombante, de très grands montages vidéo projetés sur l’intégralité des façades intérieures nord et sud rendront hommage aux femmes et aux hommes qui ont fait Le Figaro pendant deux siècles.

Quelle est la place du Figaro dans la presse française ? 
Elle a beaucoup évolué. À sa naissance, c’est un titre satirique et littéraire. Hippolyte de Villemessant en fait un quotidien et un journal politique dans les années 1860. Gaston Calmette l’impose ensuite dans la bourgeoisie française au début du XXe siècle… Dans l’entre-deux-guerres, c’est un journal d’opinion. À la Libération, Pierre Brisson le transforme en quotidien de premier plan.