«Tsunami de honte», «décision insensée», «personne n’est au-dessus des lois»... La condamnation de Nicolas Sarkozy fracture la classe politique

La nouvelle a eu l’effet d’une déflagration dans la classe politique. Dix-huit ans après sa victoire à la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy vient d’être condamné par la justice à une peine de cinq ans d’emprisonnement assortie d’un mandat de dépôt différé avec exécution provisoire, dans l’affaire du «financement libyen» présumé de sa campagne. Il devient ainsi le premier ex-président à être incarcéré, malgré son intention d’interjeter appel - un recours qui ne suspend pas la mesure de sûreté.

Sitôt le jugement du tribunal correctionnel de Paris annoncé, les réactions politiques ont plu de tous bords. À commencer par la droite, qui a immédiatement fait bloc autour de sa figure tutélaire. Dans un court communiqué diffusé en milieu d'après-midi, le patron des Républicains Bruno Retailleau a apporté «(son) soutien et toute (son) amitié dans l’épreuve» que Nicolas Sarkozy «traverse». Son prédécesseur de la place Beauvau étant toujours «présumé innocent», le ministre de l’Intérieur «ne doute pas qu’il saura mettre toute son énergie à se défendre devant la cour d’appel et faire prévaloir son innocence.»

Passer la publicité

Quelques heures plus tôt, son ancien rival pour la présidence de LR, Laurent Wauquiez, a vite réagi. Sur X, le chef de file des députés LR a témoigné de «(son) soutien et (sa) reconnaissance envers l’homme d’État qui a tant donné à notre pays et mon amitié pour l’homme.» «Aucune décision de justice n’effacera l’homme d’État qu’il a été et qu’il reste, notamment dans le cœur des Français», a surenchéri le maire de Nice (Alpes-Maritimes) Christian Estrosi. Dans le même temps sur BFMTV, le vice-président du parti de droite et maire du Touquet (Pas-de-Calais), Daniel Fasquelle, a qualifié le jugement de «très humiliant, très violent, et quelque part très injuste».

Un sénateur LR demande une «grâce»

Dans une publication très virulente contre la justice, le sénateur LR des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier a dit ressentir «un tsunami de honte», et a appelé Emmanuel Macron à accorder la «grâce» présidentielle à Nicolas Sarkozy. Un geste, qu’il estime «indispensable pour la nation et la dignité d’un homme comme de la fonction» face à une «décision insensée qui abîme notre pays et nos institutions». Même tonalité du côté de l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, qui, soulignant que la décision du tribunal ne retient «ni corruption, ni détournement, ni financement illégal de campagne électorale», a dénoncé le «traitement exceptionnel» infligé à un ancien président de la République, un «jugement politique» à ses yeux.

Du côté du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen a dénoncé «un grand danger». Elle-même condamnée en première instance à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire dans l’affaire des assistants parlementaires européens - ce qui l’empêche, à ce stade, de se présenter à la prochaine présidentielle en attendant son procès en appel prévu en 2026 -, la chef de file des députés RN a déploré la «négation du double degré de juridiction par la voie de la généralisation de l’exécution provisoire par certaines juridictions». Qui représente selon elle «un grand danger, au regard des grands principes de notre droit, au premier rang desquels se trouve la présomption d’innocence.»

À gauche, l’ironie est de mise. Visuel de l’ONG Attac à l’appui, détournant le slogan de LR «La France des honnêtes gens», la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier s’est montrée moqueuse : «Merci à Nicolas Sarkozy et aux Républicains de toujours montrer l’exemple.» Une pique reprise par le député (ex-LFI) François Ruffin. Plus sévère, le député (Écologiste et social) Benjamin Lucas s’est indigné que «la République puisse encore financer bureaux et collaborateurs pour un ancien président condamné pour association de malfaiteurs».

Dans les rangs insoumis, l'eurodéputée Manon Aubry, s’est inspirée de la célèbre phrase de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, lancée en 2005 à une habitante des quartiers populaires : «Vous en avez marre de cette bande de racaille ? On va vous en débarrasser», a-t-elle écrit sur X, avant de se satisfaire que «personne dans notre pays n’est au-dessus des lois, pas même un ancien président de la République.» «Étrangement, on entend plus la droite dénoncer le laxisme judiciaire», a encore raillé la figure mélenchoniste. D’après nos confrères de L’Opinion, le premier secrétaire du PS Olivier Faure ne souhaite pas commenter l’information, Nicolas Sarkozy ayant annoncé son intention de faire appel.

Passer la publicité

Une série de réactions transpartisanes qui tranche avec le silence du bloc central. Auprès du Figaro, un député Renaissance juge la peine «déconcertante», considérant qu’elle «n’aidera pas à restaurer la confiance entre les Français et les responsables politiques.»