Pourquoi Donald Trump déploie-t-il les militaires de la Garde nationale à Washington ?

Le président américain fait une nouvelle démonstration de force sur le plan sécuritaire. Donald Trump a annoncé lundi 11 août que son administration va prendre en main le maintien de l'ordre dans la capitale des Etats-Unis, Washington, pour lutter selon lui contre une criminalité en hausse, malgré des statistiques officielles en baisse. Dans un premier temps, 800 militaires de la Garde nationale seront déployés dans la ville, une décision qui inquiète l'opposition démocrate et qui rappelle la mobilisation de la Garde nationale à Los Angeles, en juin, après des manifestations contre les expulsions de migrants.

"C'est le jour de la libération à D.C. [le district de Columbia, où se trouve la ville] et nous allons récupérer notre capitale", a lancé Donald Trump lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche, à Washington. Le chef d'Etat a décidé de placer la police de Washington sous le contrôle de l'administration fédérale et de déployer la Garde nationale, afin de rétablir "la loi, l'ordre et la sécurité publique".

Une capitale "pas sûre, sale et dégoûtante"

"C'est devenu une situation d'anarchie complète et totale, et nous allons nous débarrasser des bidonvilles", a assuré Donald Trump. Lors de sa conférence de presse, il a également énuméré quelques faits divers sanglants, documents et photos à la main, et affirmé que le taux de criminalité de la capitale fédérale est plus élevé que celui de Bogota ou Mexico, les capitales colombienne et mexicaine. Le dirigeant républicain a pointé les "gangs violents", les "drogués" et les sans-abris comme responsables de l'insécurité dans la métropole.

Le magnat de l'immobilier prétend aussi restaurer l'image et la "beauté" de la capitale. Devant les journalistes, il a estimé que l'état de la ville, "pas sûre, sale et dégoûtante", est "embarrassant". Dimanche, il avait déjà sommé les personnes sans domicile fixe de partir "loin" de la ville, dans un message sur sa plateforme Truth Social.

Un bastion démocrate historique

Donald Trump s'appuie sur le "Home rule act" du district de Columbia, un texte qui permet au président des Etats-Unis de prendre le contrôle de la police de la ville lorsqu'il "estime que des conditions particulières de nature urgente" sont réunies. La municipalité a un statut unique et n'est pas un Etat, mais un district. Depuis une loi de 1973, les habitants peuvent cependant élire un conseil municipal, même si ses décisions sont toujours contrôlées par le Congrès. Donald Trump veut aujourd'hui revenir sur cette loi.

Washington est également un bastion démocrate historique, dirigé depuis 2015 par la maire Muriel Bowser. Lors de l'élection présidentielle de 2024, Kamala Harris y a récolté 92,4 % des suffrages. Lundi, Donald Trump a d'ailleurs promis de s'attaquer à l'insécurité à Chicago et New York, deux autres grandes villes dirigées par des démocrates.

Bataille de chiffres officiels

La Maison Blanche met en avant le taux d'homicides, de 27 pour 100 000 habitants, au quatrième rang national. Selon la police métropolitaine, le taux de crimes violents est néanmoins en baisse et a atteint son niveau le plus bas en six ans. Les statistiques fédérales le confirment, le FBI constatant que le taux d'homicides a diminué, selon des données compilées par le Washington Post.

Début janvier, le ministère de la Justice du gouvernement de Joe Biden a annoncé que les faits de criminalité violente ont atteint en 2024 leur niveau le plus bas en plus de trente ans. Quant au nombre de personnes sans-abri, le ministère du Logement en a recensé 5 600 en 2024 dans son rapport annuel, ce qui fait de Washington la 15e ville du pays comptant le plus de personnes dormant dans la rue.

Une décision critiquée par le camp démocrate

Pour la maire de Washington, Muriel Bowser, ces mesures sont "troublantes et sans précédent". Lors d'une conférence de presse, elle a assuré que la criminalité avait connu "une énorme baisse" après un pic durant le confinement de 2020, mais elle a aussi dit ne pas être "totalement surprise" par l'annonce de Donald Trump, "au vu de ses déclarations passées" sur la ville.

En février, le président américain avait affirmé qu'il était favorable à une politique sécuritaire plus musclée, et gérée par l'Etat fédéral. "Il y a trop de crimes, de graffitis, trop de tentes sur les pelouses, ces magnifiques pelouses", avait-il déclaré en février. "Je pense que nous devrions diriger [la ville] avec force, la diriger avec la loi et l'ordre, la rendre absolument impeccable", avait-il ajouté, insistant sur le fait que la ville est une vitrine du pouvoir américain.

Le chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a dénoncé le programme du président républicain, qui selon lui "se rêve roi". Selon lui, le projet de Donald Trump pour la capitale n'a "aucun fondement en droit". Pourrait-il être contesté devant la justice, comme le déploiement de la Garde nationale à Los Angeles ? Un tribunal de San Francisco se penche actuellement sur la légalité de cette mesure mise en place en juin.

La société civile a également réagi. Lundi, des dizaines de manifestants se sont rassemblés devant la Maison Blanche pour exprimer leur opposition au projet de Donald Trump. "Impliquer l'armée dans le maintien de l'ordre civil est dangereux et injustifié", a déploré Tanya Greene, directrice du programme américain de l'ONG Human Rights Watch.