Vendée Globe : « J’ai juste envie de déguerpir de cet endroit », la navigatrice Samantha Davies dans la solitude des mers du Sud

« Dans les mers du Sud, on se sent vraiment seul. Il n’y a pas grand-chose autour de nous. (…) Ici, les rafales sont plus fortes, le vent plus dense. Il ne faut surtout pas se laisser surprendre mais, au contraire, tout bien anticiper pour ne pas abîmer le matériel et ne pas se faire peur. » Elle en sait quelque chose Samantha Davies (Initiatives-Cœur).

Celle qui navigue dans l’océan Indien en 12e position du Vendée Globe, ce mardi 10 décembre, garde un souvenir douloureux de cette zone hostile où elle a dû abandonner il y a quatre ans, à la suite d’un choc violent avec un Ofni (objet flottant non identifié), lors de la précédente édition du tour du monde en solitaire sans escale ni assistance.

Blessée physiquement et mentalement, la navigatrice (50 ans), qui a failli arrêter définitivement la course au large après cet accident, s’est reconstruite progressivement pour revenir plus forte et défier à nouveau les fameux quarantièmes rugissants et cinquantièmes hurlants.

Un vol plané à l’intérieur du cockpit, deux côtes cassées, une voie d’eau

Le 5 décembre, peu après avoir doublé le cap de Bonne-Espérance, porte d’entrée sur l’Indien et les mers du Sud, la plus française des Britanniques, a préféré la jouer profil bas. « Je suis désolée, mais je n’ai pas fait de photo de moi tenant une pancarte avec écrit “cap de Bonne-Espérance”, a-t-elle expliqué, car j’avais une petite superstition à la suite du Vendée Globe 2020. Quand j’ai eu ma collision avec l’Ofni et que j’ai dû abandonner, je venais juste de faire la pancarte… Cette année, je n’étais pas en mode célébration mais plus en mode stress, j’ai juste envie de déguerpir de cet endroit. »

Le soir du 2 décembre 2020, alors que la skippeuse navigue à 600 milles (1 100 km) au large du fameux promontoire, première des trois marques de passage avant le cap Leeuwin et le cap Horn, son bateau heurte à pleine vitesse un objet dans l’obscurité. Résultat : un vol plané à l’intérieur du cockpit, deux côtes cassées, une voie d’eau en raison de la quille endommagée et l’obligation de faire escale à Cape Town (Afrique du Sud) pour tenter de réparer.

Hantée par ce choc violent, Samantha Davies remet alors en cause sa vie de navigatrice et se questionne sur le bien-fondé de repartir hors classement une fois les réparations effectuées. « J’ai vraiment cru que j’allais mourir, explique-t-elle. Je me suis dit : “C’est n’importe quoi, j’arrête la voile, je ne fais plus ça.” »

Et puis, la passion de la navigation a repris le dessus, ainsi que l’envie de continuer à porter haut les couleurs de Mécénat Chirurgie cardiaque, association qui permet à des enfants de pays en voie de développement, atteints de malformation cardiaque, d’être opérés en France. Au travers de l’opération « 1 clic = 1 cœur », les sponsors du bateau (les Chocolats du cœur, K-Line et Vinci Énergies) reversent en effet un euro à l’association pour chaque nouvel abonné sur les pages Facebook et Instagram de la skippeuse. En d’autres termes, plus le projet va loin, plus le nombre d’enfants sauvés sera important. Un double défi, sportif et philanthropique.

« C’est comme un accident de voiture »

« Si je ne repars pas, si je ne franchis pas ce cap, je vais arrêter la voile. Il faut dépasser la peur », explique alors l’Anglaise qui a terminé 4e du Vendée Globe 2008, puis a démâté dans l’édition suivante. Malgré son appréhension, l’ingénieure, diplômée de l’université de Cambridge, reprend la mer à bord de son bateau équipé de foils et traverse le Grand Sud avec les derniers retardataires pour mener à terme son projet de sauver des enfants.

« C’est comme un accident de voiture, on revit un peu tout ça dès qu’on prend de la vitesse. Je me suis obligée à ne pas aller trop vite car j’avais peur de taper à nouveau quelque chose, peur de prendre trop de risques. À l’arrivée, beaucoup de skippeurs m’ont dit : “Mais comment tu as fait ? À ta place, jamais je n’aurais pu repartir…” », confie celle qui, au final, aura permis d’opérer 102 enfants.

Mais c’est en choisissant de disputer la troisième et plus longue étape de l’Ocean Race 2022-2023, tour du monde en monocoque en équipage avec escale, qu’elle se reconstruit véritablement. À bord de Biotherm skippé par Paul Meilhat, elle réussit à vaincre ses démons des mers du Sud entre Cape Town et Itajai au Brésil (12 750 milles soit 23 600 km). « J’ai repris confiance. J’étais avec de bons marins, on a beaucoup échangé », glisse celle qui est repartie sur le Vendée Globe avec un bateau neuf, compétitif, doté de foils, une première pour une navigatrice depuis 2008.

« Petit à petit, les mentalités évoluent. Les sponsors commencent à croire de plus en plus dans les femmes pour des projets gagnants, souligne celle qui a terminé 3e de la Transat CIC (ex-transat anglaise) en 2023. Je veux montrer aux jeunes femmes que c’est possible, que la mixité avance. Un jour, une femme gagnera le Vendée Globe. »

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