Guerre Israël - Hamas : qui étaient les cinq journalistes tués dans une frappe israélienne à Gaza ?
Un «terroriste [...] qui se faisait passer pour un journaliste». Voilà en quelques mots le portrait dressé par Israël pour justifier l’attaque qui a coûté la vie à cinq journalistes de la chaîne al-Jazeera dans la bande de Gaza ce dimanche.
Ces cinq correspondants ont été tués par une frappe de l’État Hébreu alors qu’ils se trouvaient dans une tente réservée à la presse à proximité de l’entrée principale de l’hôpital Al-Shifa, a indiqué la chaîne de télévision qatarie dans un post X. Parmi eux, Anas al-Sharif, pointé par Tsahal comme la cible principale de cette frappe en raison de ses accointances avec le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Passer la publicitéAnas al-Sharif, ciblé par Tsahal depuis plusieurs mois
Il était l’un des visages les plus connus de la bande de Gaza. Ce Palestinien de 28 ans, marié et père de deux enfants, était né dans le camp de Jabaliya - le plus grand camp de réfugiés de Palestine. Sa famille est originaire de la ville d’Ashkelon, au nord de la bande de Gaza. Diplômé en communication de l’Université Al-Aqsa, il s’était rapidement tourné vers une carrière à la télévision en devenant correspondant pour Al-Jazeera. Refusant d’évacuer le nord de la bande après les frappes israéliennes, il s’était ensuite imposé comme l’un des correspondants les plus connus de ce territoire interdit d’accès aux médias étrangers. Anas al-Sharif avait d’ailleurs reçu en décembre 2024 le Prix des défenseurs des droits de l’homme de la part d’Amnesty International, pour célébrer son «travail journalistique» dans l’enclave palestinienne.
En janvier 2025, Al-Sharif avait notamment attiré l’attention des médias lorsqu’il avait retiré son gilet pare-balles face caméra, alors qu’il commentait en direct le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël. Il avait ensuite été hissé sur les épaules de Palestiniens qui célébraient la fin temporaire des hostilités.
Depuis plusieurs mois, Anas al-Sharif était accusé par l’armée israélienne avec cinq autres de ses confrères du même média, d’être membres du Hamas et du Jihad islamique. Dans la foulée de ces accusations, Anas al-Sharif avait indiqué avoir été «pris pour cible à plusieurs reprises» par Tsahal. «L’armée d’occupation [sic] a tenté à plusieurs reprises de nous réduire au silence par la mort et par le feu», écrivait-il dans un message sur son compte X, cité par Le Monde, où il assurait également que l’armée israélienne avait «visé sa maison». Irene Khan, rapporteur spéciale des Nations Unies sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, l’avait qualifié le 31 juillet 2025 de «dernier journaliste survivant d’Al Jazeera» dans le nord du territoire, condamnant des «menaces et accusations répétées de l’armée israélienne» qui l’accusait d’être un terroriste ou un partisan du Hamas, «sans aucune preuve».
«Il était le chef d’une cellule terroriste au sein de l’organisation terroriste Hamas et était responsable de la préparation d’attaques de roquettes contre des civils israéliens et les troupes» israéliennes, a affirmé de son côté Tsahal dans un post Telegram pour justifier sa frappe. L’armée israélienne a indiqué avoir obtenu des renseignements provenant de documents trouvés à Gaza comme preuve des accointances d’Anas al-Sharif avec le groupe terroriste.
Quelques heures après la mort d’Al-Sharif, le porte-parole de Tsahal Avichai Adraee, qui avait déjà fait état de vives critiques à son encontre, a partagé une nouvelle vidéo sur X dans laquelle il a certifié que le correspondant de la chaîne qatarie avait rejoint un bataillon du Hamas en 2013 qu’il aurait commandé, avant d’être ensuite blessé. Captures d’écran à l’appui, le porte-parole a qualifié le correspondant décédé de «menteur», avant de s’en prendre d’un ton vindicatif à la chaîne Al-Jazeera, qui «couvre les crimes du Hamas». L’État hébreu et le média qatari se livrent à une guerre ouverte depuis plusieurs mois, le premier accusant le second d’avoir «participé activement au massacre du 7 octobre». En avril 2024, le signal de la chaîne avait été coupé en Israël.
Le 11 août 2025, le compte X d’Anas al-Sharif a posté un message que le reporter avait écrit quelques mois avant sa mort. «Si ces mots vous parviennent, sachez qu’Israël a réussi à me tuer et à me faire taire», écrit-il en préambule, avant de faire ses adieux à ses proches sur quelques lignes. «Ô Allah, accepte-moi parmi les martyrs, pardonne mes péchés passés et futurs, et fais de mon sang une lumière qui illumine le chemin de la liberté pour mon peuple et ma famille», conclut le journaliste.
Mohammed Qreiqeh, correspondant
Parmi les quatre autres journalistes qui ont également trouvé la mort dans ces frappes, Mohammed Qreiqeh, correspondant, dont la mère aurait aussi été tuée dans une frappe israélienne sur l’hôpital Al-Shifa. Si l’armée israélienne n’a pas fait de commentaires concernant une potentielle accointance entre ce dernier et le groupe islamiste armé, le profil Facebook de Mohammed Qreiqeh recèle de nombreuses photos de membres du Hamas qui laissent entendre un lien entre le correspondant aujourd’hui décédé et le groupe palestinien. Une photo datée de 2014 l’affiche par exemple, plus jeune, aux côtés de combattants masqués dont la tête est ceinte du foulard vert orné de l’emblème du Hamas. Un autre cliché le représente souriant aux côtés de Mushir Al-Masry, un des dirigeants du Hamas. Dans un autre post en 2015, il célèbre le mariage de Rawhi Mushtaha, cadre politique du groupe terroriste tué lors d’une frappe israélienne au cours du conflit.
Quelques heures avant son décès, ce dernier avait également été filmé en train de décrire les bombardements israéliens. «Nuit difficile et éprouvante», avait-il commenté face caméra, revêtu d’un gilet pare-balles et d’un casque.
Les cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa ont également trouvé la mort dans cette attaque.