Le directeur de Sciences Po visé par une enquête

Série noire pour Sciences Po Paris, à nouveau dans la tourmente. Son directeur, Mathias Vicherat, ainsi que sa compagne, Anissa Bonnefont, ont été placés en garde à vue dimanche soir, au commissariat du 7e arrondissement de la capitale, jusqu’à lundi en fin d’après-midi. Les conjoints «dénoncent des violences conjugales réciproques», avait indiqué, lundi, le parquet de Paris. À l’issue, «aucun des deux n’a souhaité déposer plainte à ce stade», a-t-il précisé. L’unité médico-judiciaire n’a relevé aucune incapacité totale de travail (ITT), et «l’enquête se poursuit en préliminaire».

«Sciences Po a appris par voie de presse les informations concernant son directeur Mathias Vicherat. S’agissant d’une affaire strictement privée, Sciences Po n’a à ce stade aucune précision ou commentaire à apporter», s’est borné à réagir l’établissement. «À ce stade, Mathias Vicherat est présumé innocent», a quant à lui souligné le ministère de l’Enseignement supérieur, qui rappelle au passage le «ferme attachement du gouvernement à la lutte contre les violences conjugales».

Nouveau scandale

Anissa Bonnefont, 39 ans, est une actrice et réalisatrice à qui l’on doit notamment les documentaires Wonder Boy, né sous x, consacré au styliste français Olivier Rousteing, et Nadia, sur la footballeuse danoise Nadia Nadim. De son côté, Mathias Vicherat, 45 ans, a pris la tête de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris en novembre 2021. Lui-même diplômé de Sciences Po, ancien élève de l’ENA - dans la même promotion que le chef d’État Emmanuel Macron -, il a notamment passé six ans à la mairie de Paris entre 2010 et 2016, sous les mandats de Bertrand Delanoë et d’Anne Hidalgo, avant d’occuper des postes haut placés dans le privé, à la SNCF, puis chez Danone.

Du côté des étudiants, c’est avec amertume que l’on réagit à la garde à vue du directeur. «C’est révoltant. Une fois de plus, nous avons fait confiance. Nous nous sentons trahis, même si nous respectons la procédure en cours», explique Titouan Le Bouard, à l’Unef de Sciences Po, qui n’exclut pas une mobilisation des élèves dès mardi. «Deux ans après la nomination de Mathias Vicherat, nous craignons qu’un nouveau scandale ne vienne éclabousser l’établissement.» Car, depuis la mort en 2012 de l’emblématique Richard Descoings, Sciences Po a connu moult épisodes peu reluisants. Début 2021, l’école avait perdu ses deux têtes. Olivier Duhamel, le président de sa fondation de droit privé, la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), avait d’abord dû démissionner après les accusations d’inceste portées par Camille Kouchner dans son ouvrage La Familia grande (Le Seuil). Dans la foulée, le directeur de l’IEP Frédéric Mion, successeur de Richard Descoings, avait été contraint de faire de même, admettant avoir eu connaissance, en 2018, de rumeurs mettant en cause Olivier Duhamel. C’est à l’issue d’une longue procédure, avec 23 candidats en lice, que Mathias Vicherat avait été désigné. Un homme sorti du chapeau.

La nouvelle du placement en garde à vue du quadragénaire n’est évidemment pas passée inaperçue. «Pendant longtemps, Sciences Po a été la vitrine de l’enseignement supérieur français. Tout ce qui s’y passe est donc scruté de près. Si un président d’université était concerné par une affaire privée de cet ordre, presque personne n’en parlerait. Mais là…», confie une figure de l’enseignement supérieur. «Il faut laisser les choses s’éclaircir et respecter la présomption d’innocence, mais il est clair que cela donne des arguments à ceux qui, en interne, souhaitent l’évincer. Et ils sont nombreux», glisse un fin connaisseur de l’établissement.