À Davos, l’Ukraine annonce un investissement de 450 millions d’euros dans les éoliennes

Alors que 90% des infrastructures énergétiques de l’Ukraine sont détruites ou endommagées par les bombardements russes, c’est un signe de résistance qui était envoyé ce mercredi depuis le Forum de Davos. L’énergéticien privé ukrainien DTEK a annoncé un investissement de 450 millions d’euros. Il ne s’agit pas de restaurer une centrale à charbon ou à gaz mais de construire la deuxième phase d’un immense parc éolien à Tyligulska, dans la région de Mykolaïv, à seulement une cinquantaine de kilomètres du front et tes territoires occupés. Tyligulska est la première ferme éolienne jamais construite en temps de guerre, la plus grande d’Europe de l’Est érigée depuis dix ans. Passant d’une capacité actuelle de 114 mégawatts (MW) à 500 MW, grâce à l’achat de 64 turbines au danois Vestas, elle pourra alimenter 900.000 foyers.

Au Forum économique mondial de Davos, Maxim Timchenko, le PDG de DTEK est un inlassable pèlerin de la cause ukrainienne. Il accompagnait ce mercredi le président Volodymyr Zelensky dans une rencontre avec une vingtaine de dirigeants d’entreprises, parmi lesquelles la française Axa. Outre les enjeux diplomatiques (LIEN), la délégation ukrainienne dans la station suisse cherche à convaincre les bailleurs internationaux et les investisseurs privés que l’Ukraine est une terre d’opportunités, aussi contre-intuitif soit-il.

Destructions massives

«Environ 90% des infrastructures énergétiques du pays sont détruites ou endommagées à cause des bombardements russes, explique Maxim Timchenko. Ces destructions massives ne nous empêchent pas de construire des éoliennes. Nous sommes même le seul pays où les impératifs de sécurité énergétique accélèrent la décarbonation». Certaines des centrales thermiques détruites dataient des années des années 1960 ; la Russie débarrasse – brutalement – l’Ukraine d’actifs soviétiques. DTEK a vu 850 MW de capacités détruites. «Nous en avons réparé 500 MW», explique Maxim Timchenko, dont les 55.000 salariés déploient des trésors d’ingéniosité pour transférer des pièces d’une centrale à une autre en fonction des besoins. Un système D qui arrive à bout de souffle.

Dans ce contexte de guerre, les éoliennes présentent des avantages. Elles ne représentent encore que 5% de la production électrique de DTEK. «Elles sont plus difficiles à détruire qu’une grosse centrale ou un transformateur, observe Timchenko. Et puis est-ce que ça vaut le coup de tirer un missile à un million de dollars pour viser avec incertitude une éolienne ?» Avant la guerre, DTEK avait plusieurs projets de parcs éoliens, mais la plupart dans les territoires de l’Est et du Sud-Est occupés depuis bientôt trois ans.

La garantie du Danemark

Pour financer l’extension du parc de Tyligulska, l’entreprise ukrainienne emprunte 370 millions d’euros auprès de banques pour ce qui est le plus gros investissement privé jamais effectué dans l’énergie en Ukraine. La clé de ce financement, si risqué, dans un pays en guerre, tient à la garantie apportée par l’EIFO, l’équivalent danois de Coface, qui assure les exportateurs. L’organisme public a déjà soutenu quinze projets danois en Ukraine. Pour celui-ci, il a fallu un vote spécial au Parlement de Copenhague. «Là où en temps normal, il faut quelques semaines pour réunir les acteurs d’un projet, dans le cas de l’Ukraine, ça se compte en trimestres», remarque le patron de Vestas, le fournisseur des turbines. Différents intervenants européens et américains réunis autour du patron de DTEK lors d’un petit-déjeuner à Davos conviennent que les financements de l’Union européenne ou des bailleurs internationaux ne soutiennent pas assez le secteur privé. Oleksiy Sobolev , vice-ministre de l’Économie, partage ce constat. L’aide aux entreprises privées est d’autant plus important que «le gouvernement songe à privatiser des actifs», indique le jeune ministre.

La construction de la première phase du parc éolien s’était avérée épique, entre lutte contre le froid en hiver, la boue au printemps, les bombardements qui obligeaient les ouvriers à se réfugier dans des casemates de fortune, sans compter les difficultés d’approvisionnement des pièces. «Maxim joue dans Mission Impossible», commente, admiratif, Henrik Andersen. Cette opération est «un signe de confiance de nos partenaires européens», se félicite dans un communiqué Rinat Akhmetov, l’actionnaire principal de DTEK, oligarque resté discret, qui a quitté son empire industriel du Donbass depuis la guerre pour l’Ukraine de Zelensky.