«Je travaille 60, 70, 80h par semaine» : le directeur général de Renault défend sa rémunération devant les députés
La critique est aisée, et revient régulièrement dans le débat. Ce mardi 4 février, le directeur général de Renault, Luca de Meo, a été passé au gril par les députés de la commission des Affaires économiques, qui souhaitaient l’interroger sur «la situation et les perspectives du groupe en France». Le moment n’était pas choisi par hasard : côté pile, la firme au losange a présenté, mi-janvier, des ventes en légère hausse. Mais, côté face, l’avenir de la Fonderie de Bretagne et de ses 300 employés inquiète.
Dans ce contexte, le patron de Renault a notamment dû défendre sa rémunération, jugée trop élevée par certains élus à gauche. Le député écologiste du Nouveau Front populaire Benjamin Lucas a ainsi pris à partie frontalement l’homme d’affaires, s’agaçant de l’écart considérable entre sa paie, d’une part, et celle des salariés du groupe, d’autre part. Un moyen, aussi, d’attaquer le dirigeant sur la Fonderie de Bretagne. «Votre rémunération, en 2024, c’est 1,7 million d’euros fixe annuel, +30% en 2024. Ça fera sans doute rêver beaucoup de salariés qui nous regardent, a ironisé le député des Yvelines. Ça fera 5,5 millions d’euros sur un an hors actions, c’est-à-dire l’équivalent [...] de 260 personnes au smic. C’est à peu près le nombre de salariés qu’il y a à la Fonderie de Bretagne». Et le parlementaire d’ajouter, d’un ton mordant : «Est-ce que vous pensez, monsieur le directeur général, que moralement, intellectuellement, par la force de votre travail, vous valez 260 travailleurs ?»
Pour rappel, en mai dernier, Luca de Meo avait été prolongé «à l’unanimité» pour un deuxième mandat à la tête de Renault. Les actionnaires avaient, dans la foulée, validé une hausse de sa rémunération, qui pouvait atteindre 5,5 millions d’euros par an. Le vote avait été plus délicat, plus d’un quart des participants s’y étant opposés. L’entreprise, quant à elle, justifiait cette augmentation par la nécessité d’«assurer l’attractivité de la rémunération du directeur général», par rapport à la concurrence.
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Un débat récurrent
Mis en cause par Benjamin Lucas, l’homme d’affaires s’est défendu, dénonçant une critique «toujours très facile». «Il faut aussi comprendre que des gens comme nous sont là parce qu’on a derrière nous une carrière de 20 ans, 30 ans, où tous les ans, on a dû démontrer des résultats, s’est justifié Luca de Meo. Quand on fait des résultats, on crée de la valeur. Renault a triplé sa valeur en Bourse», une dynamique dont bénéficient les actionnaires de l’entreprise, y compris parmi ses salariés, a-t-il ajouté. «On a créé dix milliards de cash, en positif, et dix milliards de marge opérationnelle. Ça, c’est la valeur, c’est ce qu’on fait», a répondu, visiblement échaudé, le patron.
«Moi, je travaille 60, 70, 80h par semaine. Vous pensez que je dors la nuit tranquille, quand il y a ce type de problème ?», s’est ensuite agacé Luca de Meo, revenant sur la situation de la Fonderie de Bretagne. «Nous aussi, on est des travailleurs. On est des gens qui mettent tout et risquent tout dans le truc. [...] Ce ne sont pas des décisions faciles. [...] On sait prendre nos responsabilités. Et moi, pour Renault, je les ai prises, mes responsabilités, avec mon équipe. On a créé 8000 postes de travail en France, dans les derniers deux ans, deux ans et demi», a-t-il conclu. Une réponse jugée «lunaire» par le député, visiblement peu convaincu.
Luca de Meo est loin d’être le premier patron à devoir se justifier sur ce point, nombre de ses homologues d’autres firmes ayant été forcés de s’expliquer par le passé. Ce fut ainsi le cas pour Carlos Tavares, lorsque le dirigeant de Stellantis avait été sous le feu des critiques pour sa paie faramineuse de 36,5 millions d’euros, en avril 2024. «Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi et modifiez la loi. Et je la respecterai», avait-il rétorqué, soulignant les bons résultats de son groupe, à l’époque. Et, deux ans plus tôt, le sujet avait déjà fait la Une des journaux, Emmanuel Macron se disant même favorable à l’encadrement de la rémunération des dirigeants d’entreprise. Un débat récurrent dans l’Hexagone, donc, où les sommes sont pourtant lilliputiennes par rapport aux gigantesques «packages» des patrons d’autres pays, comme aux États-Unis, où l’ancien dirigeant de Boeing, Dave Calhoun, affichait 33 millions de dollars. Un jackpot qui laisse rêveur.