Qui est Lorraine Campet, révélation instrumentale des 32e Victoires de la musique classique ?

Sa personnalité charismatique, son jeu délicieusement chantant et sa capacité à faire sortir son instrument de l’orchestre en font l’une des ambassadrices les plus éloquentes qu’a pu connaître la contrebasse classique ces dernières décennies. L’Opéra de Paris ne s’y est pas trompé, qui l’a nommée en avril dernier nouvelle contrebasse solo de son orchestre.

» À LIRE AUSSI - Aurélien Gignoux, tambour battant 

La concrétisation d’un rêve, pour cette Pontoisienne de 27 ans, dont la mère chanteuse l’initia très tôt aux plaisirs de l’opéra et du répertoire lyrique. «L’opéra a toujours été très important, nous expliquait-elle il y a quelques semaines, avant la première de Rigoletto. Avant de me présenter au concours pour le poste de contrebassiste solo, l’Opéra de Paris avait déjà pour moi des airs familiers. J’y ai vu beaucoup de spectacles. Et c’est là qu’officiait mon professeur, et son professeur avant lui, au poste que j’occupe maintenant. »

Une familiarité qui ne l’empêche pas de mesurer la responsabilité qui est la sienne, en tant que nouvelle contrebassiste solo. «J’ai fait beaucoup de symphonique avant, rappelle celle qui fut, sept années durant, co-soliste de l’Orchestre philharmonique de Radio France. Mais l’opéra, c’est autre chose. Presque un autre métier. On doit être autant au service des voix que des moments où l’orchestre doit se montrer flamboyant. Ce sont deux types d’expressivité différents, et il faut constamment passer de l’une à l’autre tout en gardant une vraie expression musicale, pour impulser la bonne énergie. »

«Une force d’entraînement»

La musicienne le sait : la contrebasse fait partie de ces instruments qui, en dépit de leur taille, sont souvent les moins remarqués par le public. «À l’orchestre, les solos ne sont pas l’essentiel du métier, concède-t-elle avec un sourire. On est la structure. Ce que le public ne voit pas. On dit souvent que la contrebasse, on l’entend quand elle s’arrête. Mais si on fait bien notre travail, on va permettre aux autres instruments de chanter. On est une force d’entraînement. Si on a un jeu dynamique, dans la propulsion, alors ils vont se sentir portés. Si on joue passif, on risque de tout plomber par le bas. C’est une vraie responsabilité.»

Une responsabilité dont elle a pris conscience très tôt. Et pour cause. Lorraine Campet a plus d’une corde à son instrument. Lorsqu’elle ne bataille pas pour propulser la contrebasse sur le devant de la scène, en musique de chambre ou en récital (avec le pianiste Nathanaël Gouin, elle vient d’enregistrer un premier disque consacré à des transcriptions de lieder de Schubert, Schumann ou Josephine Lang, à paraître en juin chez Aparté), elle pratique aussi… le violon! «Mon coup de foudre pour la contrebasse remonte à mes 5 ans. Ce fut d’abord visuel : je me suis vue sur un escabeau en train de jouer, lâche-t-elle dans un éclat de rire. Mais comme j’allais vite et qu’il était impossible d’entrer au CNSM avant d’avoir atteint une certaine taille, mon premier professeur a conseillé à mes parents, vers mes 9 ans, de me faire essayer un autre instrument pour éviter que la passion ne s’essouffle.»

Après un premier essai à l’alto, c’est donc au violon que notre future Ingres de la contrebasse dut apprendre à tuer son impatience. «Grâce à mes professeurs, je me suis prise au jeu, et ce qui aurait dû n’être qu’un hobby est devenu une seconde discipline à part entière, qui m’a beaucoup aidée pour l’exigence du travail à la contrebasse. Mais aussi à cultiver dans les deux instruments cette ligne chantante.» Une ligne chantante héritée à la contrebasse de son premier professeur : Jean-Edmond Bacquet. «Il avait une vision aiguë du son, de la recherche du timbre et des couleurs, qui m’a aidée à prendre conscience que la contrebasse pouvait avoir un son très humain. Une fragilité bouleversante, quand on lui confie des parties vocales, qui ne sont d’ordinaire pas faites pour lui», conclut-elle.