Confisqué il y a 80 ans par la Gestapo, le portefeuille d'un Résistant lyonnais déporté restitué à sa famille
Le Figaro Lyon
Lors d'une cérémonie organisée au sein de la prison de Montluc, la famille du résistant Camille Labrux a pu récupérer le portefeuille de leur aïeul, confisqué 80 ans plus tôt lors de son arrestation par la Gestapo.
Une cérémonie organisée, le 28 octobre, par la préfecture du Rhône et grâce aux archives Arolsen, centre de documentation, d'information et de recherche le plus important au monde sur les persécutions nazies, l'Holocauste, le travail lors de la Seconde Guerre mondiale. Parmi les 30 millions de documents originaux en leur possession, Patrice Pauly, membre des archives, a réussi à retrouver l'identité de Camille Labrux derrière le pseudonyme d'Anthelme Girerd, qu'il utilisait pour ses activités de résistant.
Bernard Labrux, contacté en mai 2023 par les archives, était présent lors de cette cérémonie. «Sur le coup, j'ai été très surpris. J'avais vu sur internet l'existence de ces archives et voulais les contacter. Mais je m'étais arrêté parce que je ne connaissais pas le nom de sa fausse identité. J'aurais vraiment aimé qu'il soit présent pour assister à cette remise», confie-t-il au Figaro encore ému.
Un grand-père qui «parlait très peu» de son passé de résistant et membre de l'état-major du réseau Francs-tireurs et partisans français (FTPF) pour lequel il avait la charge du recrutement dans le grand quart sud-est de l'Hexagone. «Par contre, il a écrit. Ses manuscrits n'ont jamais été publiés, il a rencontré des historiens, mais au final il n'aimait pas ses productions. Pour lui, ça ne représentait pas suffisamment ce qu'il avait vécu», précise Bernard Labrux qui a entrepris d’écrire une biographie pour que cette mémoire se transmette à «ses enfant et petits-enfants».
Un pseudonyme qui lui a sauvé la vie
Décédé en 1994, Camille Labrux a été déporté en 1944 après son arrestation par la Gestapo à Caluire-et-Cuire. Interné à Montluc, il est déporté vers le camp de concentration de Neuengamme, en Allemagne. Il doit son salut à sa fausse identité, celle d'Anthelme Girerd, qu'il avait créée avec minutie. «La plupart des membres de l'état-major du FTPF ont été fusillés. Lui non. Il avait fait ces faux-papiers parce qu'il ne faisait confiance a presque personne. Il avait créé une fausse identité avec des papiers en règle. Il disposait de fausses fiches de paie provenant d'une entreprise de Clermont-Ferrand et de fausses quittances de loyer. C'est ce qui lui a sauvé la vie», poursuit son petit-fils.
À la libération, il échappe de peu à la mort après le bombardement par les Anglais du navire dans lequel il est transporté par les Allemands, l'Athen. Il retrouve finalement Lyon. Comme un symbole, les usines Berliet, pour lesquelles il a travaillé et qu'il a saboté dès 1940, décident de nommer les quatre premiers camions d'après-guerre en hommage aux résistants. Les engins sont présentés en grande pompe place Bellecour. Le premier porte le nom de Jean Moulin, le deuxième celui du Général Delestraint, le troisième celui d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie et le dernier celui de Camille Labrux. «Quand l'orateur a prononcé le nom de mon grand-père en indiquant qu'il était mort, il est sorti des rangs pour dire : “Je suis toujours en vie”. Ça a surpris tout le monde. Il avait été inscrit partout qu'il était décédé en déportation ou fusillé».
Ce n'est pas la première fois que les archives Arolsen, remettent les effets personnels à une famille lyonnaise. En mars dernier, elles ont permis au neveu d’Yvon Montagny, jeune homme de 19 ans injustement accusé de sabotage et mort en déportation en 1945, de récupérer la montre lui ayant appartenu.