La France enregistre un nombre record de SDF et "s'enfonce dans la crise du logement", alerte la Fondation Abbé-Pierre

Quand atteindra-t-on le fond ? "La France s'enfonce dans la crise du logement", alerte la Fondation Abbé-Pierre, lundi 3 février, à l'occasion de la publication de son 30e rapport annuel sur l'état du mal-logement dans le pays. Au terme d'une année 2024 marquée par une forte instabilité politique, "tous les signaux sont au rouge" et "l'urgence s'aggrave" pour les personnes mal-logées, estime l'association (qui utilise pour la dernière fois le nom de l'abbé Pierre, son fondateur accusé de violences sexuelles, avant de se renommer Fondation pour le logement des défavorisés).

Parmi une longue liste de "données préoccupantes", la Fondation dévoile une estimation record d'au moins 350 000 personnes sans domicile en France, contre 330 000 les années précédentes. Elle s'inquiète d'un nombre de morts dans la rue "le plus élevé jamais dénombré" et d'un total historique de 19 000 expulsions locatives menées avec l'appui des forces de l'ordre en un an, auxquelles s'ajoutent "plus de 100 000 expulsions" de personnes vivant dans des squats, des bidonvilles ou des campements. Preuve de l'ampleur du phénomène, "4 millions de personnes" sont mal-logées (dépourvues de logement personnel ou vivant dans des conditions très difficiles), tandis que 12 millions sont "fragilisées par la crise du logement", selon les derniers chiffres.

Pour la première fois de son histoire, la Fondation Abbé-Pierre consacre une large part de son rapport aux difficultés des personnes en situation de handicap. Celles-ci "souffrent du manque de logements accessibles en raison d'importants retards dans la production et d'un habitat pensé pour les personnes valides", interpelle sa présidente, Marie-Hélène Le Nédic. Ce public, qu'il soit à mobilité réduite ou atteint d'un handicap invisible, s'avère surreprésenté parmi les mal-logés et fait face à "des discriminations généralisées" dans le marché locatif privé, souligne le rapport, publié à une semaine du 20e anniversaire de la loi handicap de 2005.

Le logement "délaissé par les responsables politiques"

Dans un pays où "la pauvreté progresse" et où "les inégalités s'approfondissent", "l'électrochoc attendu autour de la question du mal-logement peine à venir", déplore l'association. L'embolie du parc locatif social se poursuit, avec toujours plus de demandeurs (2,7 millions de ménages en attente) et des attributions toujours plus rares (moins de 400 000 nouveaux heureux élus en 2023). "Il n'y a pas de solution au mal-logement quand les bailleurs sociaux sont empêchés de construire, de réhabiliter ou même d'entretenir de nouveaux logements, en raison du prélèvement sur leurs ressources de 1,3 milliard d'euros par an instauré en 2017", tance la Fondation.

Dans son rapport, elle appelle le gouvernement à sortir de l'"attentisme" qui s'est accentué à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale. "Faute d'être reconnu comme une priorité, le logement a finalement été délaissé par les responsables politiques, comme le montre la baisse de l'effort public pour le logement, passé de 2,2% du PIB en 2010 à 1,5% en 2023", dénonce-t-elle.

L'association presse l'exécutif de corriger le tir par rapport aux réponses à la crise esquissées jusqu'ici. "Les préoccupations économiques de relance de l'activité immobilière ont pris le pas sur la dimension sociale de la politique du logement, sans parler de son volet environnemental", estime-t-elle. "Une autre politique du logement est possible", plaide-t-elle, en proposant diverses mesures visant notamment à soutenir les ménages modestes, à mieux encadrer le foncier et le marché locatif privé et à réduire l'artificialisation des sols.