Valérie Pécresse : «Il faut traiter les narcotrafiquants comme les terroristes»
LE FIGARO .- Le texte sur le narcotrafic arrive à l’Assemblée lundi. Quelle est la situation en Île-de-France ?
VALERIE PECRESSE .- Le narcotrafic est un État mafieux contre l’État. Cette loi de salubrité publique est un impératif national. La dévitaliser serait une double faute, politique et morale. C’est pour cela que j’appelle les députés de droite à se mobiliser. Cela ne concerne pas que l’Île-de-France, mais toute la France.
Quels points majeurs identifiez-vous dans ce texte ?
Il faut traiter les narcotrafiquants comme les terroristes. Ce sera le cas avec les prisons de haute sécurité, que je défendais dans mon projet présidentiel de 2022. Des dispositifs de protection de l’enquête sont aussi nécessaires, comme il en existe chez nos pays voisins. Il est impératif de protéger les sources, les agents infiltrés comme les repentis. Ces méthodes ont prouvé leur efficacité dans les États qui ont décidé de s’attaquer fermement au narcotrafic. Le narcotrafic déstructure le tissu social et la cohésion nationale. La drogue tue et abîme des milliers vies chaque année.
Pourquoi la France a-t-elle laissé dériver ce problème ?
Ce phénomène s’est étendu parce que la police et la justice n’ont pas eu les moyens de lutter à armes égales contre ces mafias de la drogue. Ouvrons les yeux ! Ce texte de loi leur donne des moyens puissants dont il ne faut pas se priver. Il a été voté à l’unanimité au Sénat, l’Assemblée nationale ne doit pas avoir la main qui tremble.
Je suis favorable à des prisons réservées aux primo condamnés
Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France
En tant que présidente de collectivité, que demandez-vous pour mieux agir contre ce fléau ?
Il faut cesser d’empêcher nos collectivités d’investir pour renforcer la chaîne de sécurité. En Île-de-France, nous avons déployé un bouclier de sécurité pour financer les caméras de vidéoprotection des communes, l’équipement des polices municipales. 60 % des communes en ont déjà bénéficié. Maintenant, il faut aller plus loin. Donnons aux collectivités locales le pouvoir de coordonner de vraies forces de sécurité de proximité. La sécurité est la première préoccupation des Français. Le sujet sera majeur lors des municipales de 2026. Les maires, chargés d’assurer la tranquillité de leurs habitants, doivent avoir enfin les moyens d’agir.
Comment ?
En transformant les polices municipales en véritables polices de proximité. Il devrait être obligatoire de les armer dans les grandes villes, à Paris, à Grenoble, à Nantes... pour qu’elles soient dissuasives. Partout, on observe une montée de la violence de rue, une recrudescence des ports d’armes notamment de couteaux. On ne lutte pas contre ces phénomènes avec des hashtags #Stopcouteaux comme à Paris ! On parle de narcotrafic mais savez-vous que les polices municipales aujourd’hui n’ont pas le droit de travailler avec des chiens renifleurs ou d’ouvrir les coffres des voitures ? C’est absurde ! Et puis je défends ardemment la sanction immédiate des mineurs délinquants. Il faut en finir avec la césure entre la condamnation et la peine. Le meurtrier du jeune Élias à Paris, pourtant déclaré coupable, attendait sa condamnation depuis 8 mois ! On ne peut pas continuer comme ça. La sanction n’est éducative que si elle est certaine et rapide. À cet égard, la loi Attal ne va pas assez loin car si la comparution immédiate des mineurs est un premier pas, le plus important est l’exécution rapide de la sanction. Il est temps de généraliser les courtes peines de prison. Pour cela, je suis favorable à des prisons réservées aux primo condamnés.
Que pensez-vous de la transmission à Alger d’une liste de plusieurs centaines de ressortissants algériens jugés dangereux, assortie d’une menace de réponse graduée ?
Je me réjouis de voir que la ligne de fermeté défendue par Bruno Retailleau l’emporte au gouvernement. Le mépris de la France a assez duré. Nous entrons dans le vif du sujet. Avec cette liste précise de ses ressortissants dangereux, le pouvoir algérien est au pied du mur. Il a la capacité d’ouvrir une nouvelle page avec la France, sinon la riposte graduée s’imposera.
Emmanuel Macron a joué la carte de la dramatisation
Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France
Sur le plan international, comment avez-vous jugé la réponse française aux discussions entre l’Américain Donald Trump et l’Ukrainien Volodymyr Zelensky ?
Le président Macron a joué la carte de la dramatisation. Personnellement, j’aurais préféré plus de mesure et moins de postures. Nous sommes menacés à la fois par l’impérialisme Poutinien et par l’isolationnisme Trumpien. Cela nous oblige à nous réveiller politiquement et militairement, en France et en Europe. La bonne nouvelle, c’est le réveil de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne. C’est un début de sursaut européen. Quant à la dissuasion nucléaire, remercions d’abord le Général de Gaulle de nous avoir dotés d’une force de défense souveraine. Deux principes me paraissent intangibles : le bouton nucléaire ne se partage pas et nous sommes maîtres de nos intérêts vitaux, qui peuvent s’étendre à l’Europe. Au passage, je note que le Rassemblement national s’est décrédibilisé pour défendre la France. Nous avons tous vu ces dernières années Marine Le Pen se jeter tour à tour dans les bras de Poutine puis dans ceux de Trump!
On parle d’effort militaire mais comment trouver l’argent pour y répondre ?
Notre défense est sacrée mais notre dette nous met en danger. Oui, il faut porter notre effort de défense à 100 milliards d’euros pour faire face à l’ampleur des menaces et au désengagement américain. Cela est nécessaire pour pouvoir construire un pilier européen dans l’Otan, que j‘appelle de mes vœux depuis des années. En revanche, hors de question de relancer le quoi qu’il en coûte, alors que notre dette atteint 120% du PIB. Pour dépenser plus, il va falloir produire plus et travailler plus. Le mot « économies » reste absent du registre du gouvernement ! La caisse a été cramée. Maintenant, nous devons réformer courageusement l’État, s’attaquer à la hache aux doublons et normes qui nous coûtent 3% de notre PIB.
Quelle est la bonne réponse face à la hausse américaine des droits de douane ?
Cette escalade est folle et inconséquente. J’espère que la bourse américaine, puisque c’est l’étalon de mesure de M. Trump, va se charger de lui rappeler les bénéfices du libre-échange. L’Europe a raison de montrer les crocs.
François Fillon estime que M. Zelensky a «sa part de responsabilité» et «refuse d’arrêter une guerre qu’il ne peut pas gagner». Êtes-vous d’accord avec son analyse ?
M. Poutine est l’agresseur en Ukraine. Mais aujourd’hui, il faut donner une chance à la paix et à la négociation en garantissant la sécurité durable du peuple ukrainien.
J’ai une dette d’honneur envers Bruno Retailleau
Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France
Vous avez été ministre de la Recherche. Ce domaine a-t-il été délaissé en France ?
L’admettre de la France, c’est notre capacité d’innovation. Gardons-nous de la fragiliser. Donald Trump a tenté une opération de charme sur les talents français et européens, en leur promettant la défiscalisation et la dérégulation. Il est désormais rattrapé par sa propre brutalité. De nombreux chercheurs envisagent de quitter les États-Unis. La Région Île-de-France mettra en place un dispositif d’accueil pour ces « réfugiés de la science". Nous leur déroulerons un tapis bleu blanc rouge !
Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau sont tous les deux candidats à la présidence des Républicains. À qui apportez-vous votre soutien ?
Nous avons deux candidats de valeur. Aujourd’hui j’apporte mon soutien à Bruno Retailleau envers lequel j’ai une dette d’honneur. Lors de la dernière présidentielle, il a été d’une loyauté à toute épreuve. Je ne l’oublie pas. Il est l’homme de la situation pour relever la droite, parce que les Français recherchent de la force, de la sincérité et des résultats. Bruno a une droiture qui impose le respect, même à ses adversaires. Au gouvernement, il incarne le choc d’autorité dont le pays a besoin. Il peut faire gagner la droite parce qu’il est profondément rassembleur. C’est pour cela qu’il inquiète nos adversaires. Je crois à la renaissance de la droite républicaine après Macron.
Craignez-vous une guerre des chefs ?
Je veux une campagne dans la sérénité. Nous n’avons aucun adversaire dans notre famille politique. Rien ne doit nous diviser.
Pour gagner Paris, la personnalité la mieux placée est Rachida Dati
Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France
S’agissant des municipales, quelle candidature à droite soutenez-vous pour la ville de Paris ?
Nous pouvons gagner Paris. Les Parisiens veulent plus de sécurité, de propreté, une écologie qui rassemble, des logements… Ils veulent une autre ville. Pour mettre fin à la politique d’Anne Hidalgo il faut rassembler très largement la droite et le centre. Et la personnalité la mieux placée pour cela, c’est Rachida Dati.
Cela fait bientôt dix ans que vous êtes présidente de région. Quels sont votre plus grande satisfaction et votre plus grand regret ?
68 % des Franciliens sont satisfaits de mon action, d’après les enquêtes. Ma plus grande satisfaction est d’avoir changé la vie de millions d’habitants en apportant de nouveaux transports, des services publics, en rénovant des lycées pour nos jeunes, en ramenant des espaces verts en ville …. Et on continue ! Mon regret, c’est la bureaucratie paralysante, les retards industriels, tout ce qui nous ralentit !