« C’est un immense soulagement, mais ce n’est pas la fin de la bataille » : la journaliste Ariane Lavrilleux échappe aux poursuites du juge antiterroriste
Victorieuse et rassurée. Après son passage devant un juge d’instruction antiterroriste, la journaliste Ariane Lavrilleux échappe à des poursuites et une peine allant jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. « C’est un immense soulagement, mais ce n’est pas la fin de la bataille », déclare-t-elle sur le parvis du tribunal de Paris.
C’est à la suite de son enquête sur l’implication des renseignements français dans l’exécution arbitraire de civils égyptiens par le régime d’Al Sissi qu’elle a été inquiétée par la justice en octobre 2023. Dans le but de traquer les sources du journal d’investigation, son appartement a été perquisitionné et elle a fait l’objet d’une surveillance étendue de la part de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
L’épée de Damoclès enfin disparue
Avant sa sortie du tribunal, une foule de soutien s’était réunie dès 9 heures. Une intersyndicale composée de syndicats nationaux du journalisme, d’associations, de syndicats internationaux comme la Fédération internationale des journalistes, avec la présence de sa présidente Maja Sever, mais également de parlementaires comme Aurélien Saintoul député France Insoumise et secrétaire de la commission de la Défense nationale et des Forces armées.
Dans une lettre adressée aux parlementaires, la CGT et la CFDT défendent un combat loin du corporatisme. Au cœur du problème : une loi datant du 4 janvier 2010, la loi Dati. Elle modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Notamment sur le volet « protection des sources », à l’exception du secret-défense.
C’est par le principe de « l’impératif prépondérant d’intérêt public » que l’État peut lancer des enquêtes sur les sources des journalistes. Sans contrôle d’un juge d’instruction ni voie de recours possible, sauf sur le versement d’éléments au dossier.
Un besoin pressant de réforme
« Non seulement on espère une réforme, mais il doit y avoir une réforme de la loi Dati » affirme Pablo Aiquel, secrétaire national du SNJ-CGT. Il insiste sur le nécessaire changement de la législation française afin de rentrer dans les canons européens. Selon le règlement européen sur la liberté des médias, entré en vigueur en mai 2024, il sera interdit d’obliger les journalistes et les rédacteurs en chef à révéler leurs sources, sauf sous réserve de l’autorisation d’une autorité judiciaire et pour une « raison impérieuse d’intérêt général ».
« Nous avons plusieurs moyens pour éviter que des services de renseignements aux grandes oreilles identifient nos sources », déclare Mathias Destal, rédacteur en chef de Disclose. Dans ce règlement européen, il sera aussi interdit d’utiliser des logiciels espions et des outils de surveillance contre les médias, les journalistes et leurs familles. Ces mesures doivent être mises en application par la législation française avant août 2025.
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