L’Assemblée rejette un budget «NFP-compatible», le texte part au Sénat
Les députés ne pourront même pas débattre de la partie dépenses du budget. Une première dans toute l’histoire de la Ve République. Ce mardi après-midi, sans grande surprise, une large majorité d’entre eux ont voté contre (192 pour, 362 contre) la première partie du projet de loi de finances, dédiée aux recettes. Un rejet qui a pour conséquence de renvoyer directement le texte dans sa globalité au Sénat, qui commencera quant à lui son examen d’ici quinze jours. Un résultat qui n’est pas une surprise au vu de la composition de l’Assemblée nationale, découpée en trois blocs très distincts.
Au cours des débats au Palais Bourbon, le projet de loi gouvernemental avait été fortement remanié par la gauche, surmobilisée lors des votes contrairement aux macronistes et à la droite. De très nombreuses nouvelles taxes, comme celles sur les «superprofits», les «superdividendes», les rachats d’actions, les multinationales, le patrimoine des milliardaires ou encore les «grandes sociétés du numérique», avaient été adoptées. Par ailleurs, certaines mesures phares du texte initial avaient été supprimées, comme la hausse de la taxe sur l’électricité, l’alourdissement du malus automobile ou la surtaxe sur les grandes entreprises.
Un budget «NFP-compatible», selon les mots du président LFI de la commission des finances, Éric Coquerel, qui a d’ailleurs poussé les macronistes, Les Républicains et le Rassemblement national à voter contre, pendant que les forces du Nouveau Front populaire (NFP) ont toutes voté favorablement. «La version du texte issue de nos débats est totalement dénaturée et ne correspond en rien à la proposition portée par Michel Barnier», a d’ailleurs dénoncé, peu avant le vote, la députée Droite Républicaine Véronique Louwagie. «Quel secteur d’activité échappe encore à cet enfer fiscal ?», s’est de son côté émue la députée Horizons Félicie Gérard, pendant que David Amiel a regretté «un immense gâchis parlementaire». Un véritable «musée des horreurs fiscales», s’est de son côté insurgé Éric Ciotti (Union des droites pour la République).
La navette parlementaire se poursuit
Après l’examen du texte, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, la gauche s’était largement félicitée d’avoir réussi à «remanier le budget», dixit l’Insoumis Éric Coquerel. « On a trouvé des dizaines de milliards de recettes nouvelles. C’est une satisfaction : ça veut dire qu’on peut à la fois répondre aux besoins des Français et baisser le déficit », s’était réjoui le président de la commission des finances, pendant que le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, dénonçait « un matraquage fiscal », regrettant une hausse d’impôts de 35 milliards d’euros supplémentaires par rapport au projet de loi initial.
Désormais, le texte va donc poursuivre sa route au Sénat. Et puisqu’il n’a pas été adopté, ce sera vraisemblablement en grande partie la version gouvernementale qui y sera envoyée. Les parlementaires de la Chambre Haute auront à leur tour tout loisir pour l’amender. Tout se jouera ensuite en commission mixte paritaire, où sept sénateurs et sept députés se réuniront pour tenter de trouver un accord sur la totalité du texte. Une instance où le «socle commun» possède, dans la plupart des cas, la majorité. Et pourront donc, s’ils s’entendent, trouver une voie de passage pour le texte.
Avant que celui-ci ne revienne au Sénat puis à l’Assemblée nationale pour une adoption définitive. C’est à ce moment-là que le premier ministre, Michel Barnier, sans majorité absolue au Palais Bourbon, devrait normalement activer l’article 49.3 pour passer en force. Se mettant alors à la merci d’une motion de censure qui pourrait faire tomber son gouvernement.