Migrations: Macron se dit «sceptique» sur la solution italienne d’externaliser les demandes d’asile dans des pays tiers

Les Européens ont décidé d’«accélérer» la mise en œuvre de mesures communes pour lutter contre l’immigration illégale. Après une discussion animée sur la question entre les 27 chefs d’État et de gouvernements, réunis en sommet à Bruxelles, jeudi 17 octobre, ils ont demandé à la Commission d’intensifier son travail dans ce sens. Il s’agit, d’une part, d’avancer l’application du Pacte asile et migrations, voté au printemps, qui n’est censé entrer en vigueur qu’en 2026. Et, par ailleurs, de relancer une directive dite «retours», un projet de loi sur les raccompagnements à la frontière de personnes dont la demande d’asile a été refusée, bloqué depuis 2018 en raison de l’opposition du Parlement européen.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a annoncé qu’une nouvelle proposition législative en ce sens serait rédigée «bientôt». Elle a rappelé que seules 20% des mesures d’expulsion prononcées sur le Continent étaient effectivement exécutées. Le matin même, avant le début officiel du sommet, la responsable de l’exécutif européen avait participé à une réunion entre la première ministre italienne Giorgia Meloni et ses homologues grec, polonais, néerlandais ou hongrois pour évoquer ce qu’on appelle pudiquement des «solutions innovantes» sur l’immigration. Il s’agit en particulier des partenariats avec des pays tiers pour y sous-traiter les demandes d’asile et la gestion des immigrés illégaux, sur le modèle du protocole mis en pratique cette semaine entre l’Italie et l’Albanie. Un cas d’école scruté par tous ses partenaires européens.

Le premier ministre conservateur grec Kyriakos Mitsotakis s’est ainsi dit «pas opposé» à cette idée, se félicitant de la voir ouvertement mise sur la table par Ursula von der Leyen. Mais celle-ci s’est gardée de se prononcer sur le principe, se bornant à commenter qu’il s’agissait d’«une idée pas banale» qui «a été discutée»

«Pour moi, les règles sont claires»

Emmanuel Macron a, lui, pris ses distances avec ce type de solution, évoqué aussi ces derniers jours par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. «Qu’on ait des discussions avec des pays tiers qui accepteraient de garder les gens qu’on ne veut pas accepter et que les pays d’origine ne prennent pas, je suis plus sceptique. Pour moi les règles sont claires, elles sont dans nos textes; je les ai toujours rappelées», a-t-il déclaré. Une ligne partagée par le premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sanchez: «Nous ne sommes pas favorables à ce type de formulations, qui ne résolvent aucun problème et en créent d'autres».

Sur ce sujet, le président de la République a nié être en décalage avec les propositions de Bruno Retaille au. «Je ne fais de procès à personne. Avoir un gouvernement et un ministre de l’Intérieur qui veulent lutter plus efficacement contre l’immigration clandestine, irrégulière, et tous ces mouvements qui exploitent la misère, c’est une bonne chose.» Selon lui c’est «exactement» la position qu’a défendue Bruno Retailleau devant ses homologues européens, la semaine dernière. Le président doit d’ailleurs recevoir l’occupant de la place Beauvau en tête-à-tête lundi, pour la première fois depuis son arrivée au gouvernement. Il avait pourtant répliqué à ses déclarations selon lesquelles l’immigration ne serait «pas une chance».

Plus généralement, Emmanuel Macron a rappelé qu’il souhaitait une application accélérée du Pacte asile et migrations, sans pour autant mettre en cause les valeurs françaises et européennes. «Je suis pour qu’on dissuade et qu’on empêche les gens d’arriver sur le sol européen lorsqu’ils suivent des mouvements clandestins organisés, a-t-il affirmé. Je suis pour qu’on puisse accueillir les femmes et les hommes qui, combattants de la liberté, ont vocation à avoir l’asile dans notre pays. Et je suis pour qu’on soit beaucoup plus efficace sur les politiques de retours vers les pays d’origine.» Il a insisté pour que les Européens répondent de manière unie à la «pression migratoire actuelle», tout en soulignant la «diminution des franchissements illégaux des frontières cette année». Selon Frontex, ils ont chuté de 42% sur les neuf premiers mois de cette année.