C’est l’histoire d’un ticket de loto. Numéros pleins : il rapporte 294 millions d’euros. La journée commence bien. L’heureux gagnant est un paisible retraité à casquette qui a ses habitudes dans un bar-tabac de Versailles au décor à la Amélie Poulain. Par chance, la foule ne se bouscule pas dans l’établissement. Au comptoir, la somme suscite des convoitises. Un client surexcité brandit un revolver et tue par mégarde le vieux joueur. Que faire ? Autour des tables se récapitulent un urgentiste, deux policiers en fin de mission, un fêtard pieds nus et en caleçon (la première séquence montre comment il en est arrivé là après une soirée privée au château) commandant café sur café. Première chose : baisser le rideau de fer. Il est tôt. Dehors, la rue encore est tranquille.
Pio Marmaï, épatant de fébrilité et d’énergie
À l’intérieur, cela cogite. Il y a eu des balles perdues. Le cadavre perd son sang sur le carrelage. Après l’affolement vient le temps de la réflexion. Se partager le butin est tentant. Le tout est de se mettre d’accord sur la stratégie. Des scénarios s’échafaudent. L’écran nous les montre un par un. Le parrain chinois lit Aristote. Un des flics (Pio Marmaï, épatant de fébrilité et d’énergie, avec ses grands yeux étonnés) a couché avec la serveuse asiatique et se demande si leur liaison a un avenir. Réponse de la demoiselle : pour elle, l’amour est suspect. Le voilà bien avancé. Il se dispute avec son collègue, enferme le meurtrier dans la cave.
Passer la publicitéLe bambocheur est mal tombé. Lui qui tenait des discours cocaïnés sur la lutte des classes et s’amusait à pisser sur une tapisserie dans la chambre de Louis XIV, il aurait été mieux inspiré d’échouer dans un autre PMU. La propriétaire déboule et se lance dans un karaoké, ce qui permet de revoir Maria de Medeiros sirotant des spiritueux dès le matin. Elle réclame son loyer. Ça n’est pas le moment. Des clans se forment. Des plans se tirent sur la comète. Et si ? Et si ?
Le film fonctionne par hypothèses, brouille les cartes, dans un huis clos entre Rashomon et Reservoir Dogs. Cependant, n’est pas Tarantino qui veut. Vincent Maël Cardona (César du meilleur premier film pour Les Magnétiques) part sur les chapeaux de roues, louche vers les frères Coen version Yvelines, s’enchante un peu trop de son palimpseste sur pellicule, comme dépassé par son propre système, victime de ce qu’il pense être sa virtuosité. L’intrigue patine, ne tient la route que pendant une heure, se perd dans les sables. Il y a trop de choses. Elles finissent par lasser. C’est dommage. Le Roi Soleil séduit au tirage, agace au grattage.
La Note du Figaro : 2/4