En 1998, les tours jumelles dominent toujours la skyline de Manhattan. Rudolf Giuliani vient tout juste d’être réélu maire de New York. La Grosse Pomme est déjà en cours de gentrification mais elle n’est pas encore la ville chic et ripolinée des années 2020. On trouve des cabines téléphoniques et des clochards sur les trottoirs. Le Lower East Side abrite une faune bizarre. On peut avoir pour voisin de palier un créateur de site internet et un punk anglais (Matt Smith, avec une crête). C’est le cas de Hank (Austin Butler, le Elvis de Baz Lhurman), ex-future gloire du base-ball, fan des Giants de San Francisco, privé de carrière pro à la suite d’un accident de voiture qu’il a lui-même provoqué – il en fait encore des cauchemars la nuit. Hank vivote comme barman la nuit dans un bar miteux tenu par un vieux à queue-de-cheval cocaïné (Griffin Dune, l’acteur d’After Hours de Scorsese, auquel Pris au piège voudrait rendre hommage). Il téléphone chaque jour à sa maman. Il a une petite amie sexy et dévouée, Yvonne (Zoë Kravitz, sacrifiée au bout d’un tiers de film). Cette routine déraille quand son voisin punk, Russ, lui confie son chat pour s’absenter.
Deux nervis russes au crâne rasé commencent par dérouiller Hank et l’envoyer à l’hôpital. Un patron de boîte de nuit portoricain le menace à son tour. Deux rabbins armés jusqu’aux dents sont aussi à ses trousses – Liev Schreiber et Vincent d’Onofrio, amusants en pieux barbus et violents. Une enquêtrice corrompue (Regina King) complique l’affaire. La clé de l’intrigue est une clé qui mène à un magot. Elle est cachée dans un étron en plastique dans la litière du chat. C’est le prétexte à une course-poursuite hachée, dans les rues louches de New York, de Chinatown à Brighton Beach.
Passer la publicitéUn roller coaster mou du genou
À travers cette adaptation d’un roman de Charlie Huston, Darren Aronofsky pose un regard nostalgique sur NYC, jungle urbaine peuplée de drôles de zèbres. Le natif de Brooklyn se souvient de la ville de ses jeunes années. C’est attendrissant mais insuffisant pour faire décoller un roller coaster mou du genou, montagnes russes sans véritable élan ni accélération, malgré les guitares lourdes du groupe punk rock de Bristol Idles. Aronofsky filme avec le frein à main. Les dialogues ne font pas d’étincelles. Les coups de feu ressemblent à des pétards mouillés. Pris au piège ne s’emballe jamais et finit par ressembler à une pâle copie de Tarantino.
Darren Aronofsky n’arrange pas vraiment son cas de cinéaste inclassable et le plus souvent décevant. Trip sous drogue (Requiem for a dream, d’après le roman de Hubert Selby Jr), mélo SF (The Fountain), thriller psychanalytique (Black Swan, Mother !), film de catch (The Westler, avec Mickey Rourke sur le retour), blockbuster biblique (Noé), ou drame tire larmes (The Whale, avec Brendan Fraser en surpoids), on n’est guère plus avancé sur ce qui meut le cinéaste américain, honoré d’une rétrospective à la Cinémathèque française en avril dernier.