« Retourne d’où tu viens » : une télé-réalité britannique xénophobe envoie des candidats refaire le parcours des migrants
L’émission se présente comme « pédagogique », mais clive déjà. Go back to where you came from («Retourne d’où tu viens », en français) est une série de téléréalité britannique diffusée sur Channel 4 depuis le 3 février et dont le titre reprend l’injonction préférée des xénophobes à l’encontre des étrangers.
Le concept est basé sur les épreuves réellement subies par les candidats à la migration pour arriver en Europe : au départ de Mogadiscio en Somalie ou Raqqa en Syrie, six participants devront rejoindre le Royaume-Uni en passant par les routes qu’empruntent les migrants. Selon Liam Humphreys, l’un des producteurs de l’émission, il s’agit « d’informer en toute discrétion » sur la situation. C’est un programme « divertissant mais qui traite aussi de problématiques complexes », explique-t-il dans The Guardian. Vis ma vie de migrant…
Un parti pris assumé
C’est peu dire que l’émission suscite la controverse. Parce que sous couvert d’information-spectacle, la production a choisi certains candidats fermement opposés à l’immigration. Deux seulement, d’ailleurs séparées, font face à deux contradicteurs dans chaque groupe, et ne relaient pas de discours raciste. Ce n’est pas le cas de Dave, qui dès les premières minutes, campé sur les falaises de Douvres, laisse s’écouler toute sa bile : « Je voudrais que la Royal Navy pose des mines le long des côtes pour faire exploser chaque bateau de clandestins qui s’approcherait à moins de 50 mètres de cette belle plage. » Et plus loin : « C’est comme des rats, ils continueront de venir si on les laisse. On se fait envahir ! » Son regard s’attendrira- jusqu’à pleurer -, au contact de la misère en Syrie, mais pour combien de temps ?
Le parti pris est assumé par la production du programme et par la chaîne. La productrice exécutive associée, Emma Young, explique dans The Guardian que ces paroles ont été « entendues dans tout le pays lors du casting ». Elles sont selon elle « une voix influente qui façonne notre paysage politique ». « Afin de pouvoir contester – et confronter – ces opinions, nous devons être en mesure de les exposer. »
« Affligeant », juge Salomé Bahri, coordinatrice de l’association d’aide aux exilés Utopia 56 à Grande-Synthe. « Ces discours d’extrême droite, on les entend déjà suffisamment dans l’espace public. » Mais les ONG qui viennent au secours des migrants, en mer ou sur terre, placent le débat sur un autre plan, celui de la dignité humaine : « On ne peut pas imiter l’expérience de la guerre, de la torture, de la persécution et de l’esclavage moderne à travers le prisme aseptisé de la téléréalité », martèle Steve Smith, directeur général de Care4Calais, interrogé par Métro.
« Le principe de la téléréalité, c’est la mise en scène, le jeu », commente Salomé Bahri pour France 3 Hauts-de-France. « Sauf qu’on parle de personnes en errance, qui vivent ces situations, qui meurent sur les routes migratoires : ce n’est pas de la télévision. En faire une émission de divertissement, c’est profondément irrespectueux pour les personnes exilées. »
Sans compter que pour vivre – et comprendre — pleinement « l’expérience », les participants devraient être dans le plus total dénuement, sans assistance, à commencer par les bateaux de secours qui les suivront « forcément » lors de la dernière traversée pour l’Angleterre, avance Salomé Bahri. « Ce n’est pas le cas des personnes en exil. » « Ils ne risquent pas de se faire arrêter par les forces de l’ordre non plus… »
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