Même les vaches sont mal gardées, avec Macron à l’Elysée

Gérard Le Puill

Entre 2017 et 2024, le nombre de vaches en production a reculé de 963.000 têtes en France, faisant diminuer d’autant les naissances de veaux chaque année. D’excédentaire en viande bovine et en produits laitiers, la France va devenir déficitaire. Selon l’interprofession des produits laitiers, elle importait récemment 45% de ses besoins en beurre, notamment d’Irlande et des Pays Bas.

Dans l’article publié le 8 janvier nous avons montré à quel point l’accord de libre-échange signé en décembre 2024 entre la Commission européenne et les pays du Mercosur aggraverait les difficultés des éleveurs français alors qu’ils peinent déjà à tirer un maigre un revenu de leur travail. On a appris récemment que dans la filière des vaches de races à viande qui allaitent leurs veaux, les naissances de ces veaux sur les neuf premiers mois de 2024 étaient en recul de 5,7% sur celles de la même période en 2023. Outre la décapitalisation pour éviter de trop s’endetter, les causes de ce recul sont aussi les maladies contagieuses connues sous les sigles FCO3, FCO8 et MHE qui affectent les troupeaux.

Quand on regarde l’évolution des prix dans les salles de cotation, on observe que le prix du kilo de carcasse de la vache laitière de réforme atteignait 4,17€ en décembre 2024 contre 4,50€ en décembre 2022. Certes, les prix des « broutards » – que sont les veaux de 9 à 10 mois exportés vivants pour être engraissés en Italie, en Espagne , en Grèce et en Afrique du nord – étaient de 4,29€ le kilo vif en décembre 2024, contre 3,30€ en décembre 2023 et 2022. Mais il s’agit là d’une hausse imputable à la réduction de l’offre par rapport à la demande. L’augmentation des ventes de viandes bovines en provenance du Mercosur en Europe pourraient diminuer la demande de nos voisins d’Europe du sud en broutards destinés à l’engraissement si l’accord entre l’Europe et ces pays était validé.


Le silence inquiétant du président Macron sur l’accord UE-Mercosur


Il est donc urgent pour la France de chercher à rassembler les pays européens opposés à cet accord de libre-échange avec les pays du Mercosur. Il suffirait de réunir au moins quatre pays et une représentation égale à 35% de la population européenne pour ne pas valider cet accord. Mais le président Macron continue de garder le silence sur le sujet depuis qu’il a été signé par Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission. Voilà qui est suspect quand on sait que le même homme a souvent dit précédemment que cet accord conclu en 2019 n’obtiendrait pas la signature de la France « en l’état ».


Dans son édition datée du 3 janvier dernier, l’hebdomadaire « La France Agricole » rendait compte d’une journée d’étude menée dans le département de l’Orne par la Confédération paysanne sur l’évolution  de l’élevage allaitant en Normandie. Dans cette région, le nombre de vaches de races à viande recule de 5.000 têtes par an en moyenne depuis plusieurs années. Eleveur de bovins à viande et porte parole du syndicat dans ce département, Alexandre Sauques estimait que « pour inciter les jeunes à s’installer il est in indispensable de pouvoir dire qu’on vit correctement de notre métier. Malheureusement, les données de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) indiquent que les revenus en élevage de bovins à viande sont inférieurs de 50% à la moyenne nationale, toutes filières confondues », précisait-il.


Lors de cette même rencontre, Nicolas Dumesnil, directeur de l’abattoir SOCOPA à Gacé, dans l’Orne, a plaidé pour une garantie du revenu en affirmant que « l’enjeu est de donner de la lisibilité aux éleveurs avec des partenariats et des contrats tripartites ». En théorie, c’est ce que semblait promettre le président Macron quand il déclarait le 11 octobre 2017 dans un discours prononcé à Rungis que « stopper la guerre des prix, c’est stopper la dévalorisation permanente du revenu des agriculteurs, c’est leur permettre de vivre, ou plutôt de revivre de leur travail. Et quand vous avez des prix alimentaires en promotion permanente, vous n’avez plus la notion des prix et plus rien n’a de valeur ».


Quand le prix du beurre se met à flamber

Dans la foulée il ajoutait ceci : « nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ». L’utilisation du conditionnel  dissimulait un piège qui apparaissait dans la suite du discours en ces termes : « Mais cette nouvelle approche ne saurait suffire parce qu’elle ne sera efficace que si les agriculteurs se regroupent véritablement en organisations de producteurs pour peser plus dans les négociations en tirant profit des possibilités du droit de la concurrence ».

Mais l’échec des trois versions de la loi Egalim votées par les parlementaires français depuis 2018 nous montre que les agriculteurs ne peuvent pas « tirer profit du droit de la concurrence » quand l’Europe signe des accords de libre-échange avec des pays exportateurs de viandes et d’autres produits agricoles. Cela vaut pour le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande et les pays du Mercosur ! Pour preuve, entre le 1er août 2017 et le 1er août 2024, la France a perdu 963.000 vaches allaitantes et laitières, dont chacune faisait naître un veau par an. C’est ce qui ressort des chiffres rendus publics par l’Institut de l’élevage lors du Sommet de Clermont-Ferrand le 10 octobre 2024. On a appris plus récemment que le prix de la tonne de beurre au départ des laiteries coûtait 7.500 € à la fin de l’année 2024 contre 3.200€ en 2020. Là encore, c’est la diminution du nombre de vaches qui fait flamber le prix du beurre dans une France où jusqu’à récemment les fromages étaient d’un meilleur rapport pour les transformateurs.


Voilà encore une illustration de la tromperie du discours prononcé à Rungis le 11 octobre 2017 par le Président Macron.