Solitaire du Figaro Paprec : Au Four et toujours au moulin

À bord du bateau Express

Depuis 24 heures, la machine à laver n'en finit pas avec son cycle essorage. Les mines sont bien flétries à bord d'Express et les corps vermoulus. Avant, on rigolait bien, et puis, Newton a inventé la gravité. Sans faille, chaque saut de vague avec une houle contraire est une secousse tellurique On imagine aisément ce que viennent d'endurer les 31 concurrents encore en course lors de leur première traversée de la Manche sur leurs fiers esquifs. Avec en apothéose la venue d'un grain apocalyptique lors du passage au près des marques anglaises South Portland Bill et Skerries Bank pour les premiers. Un trio de cadors qui mènent toujours un train d'enfer ce matin au lever du jour, à plus de 13 nœuds. Loïs Berrehar (Skipper Macif 2022), Gaston Morvan (Région Bretagne-CMB Performance) et Basile Bourgnon (Edenred), qui avec près de 9 milles d'avance sur le quatrième, Hugo Dhallenne (YCSL-Primatice-SLB Pharma), devraient se disputer la victoire de l'ultime étape de cette Solitaire 2024. Sixième avec 11 milles de débours au classement de 5 h diffusé par VHF, le leader du classement général après deux étapes, Tom Dolan (Smurfit Kappa-Kingspan), devait sentir le vent du boulet près de son piédestal.

Alexis Loison (Groupe REEL), 5e, résumait bien ses états d'âme : « Nous avons passé une bonne journée de bourrin et j'ai perdu ma voix dans la bataille. C'était un bord d'anthologie pour rejoindre les côtes anglaises. C'était assez dantesque avec à la fin le passage du front, au près, sur une mer complètement démontée. Il n'y a pas eu trop de répit, les périodes de repos sont très très rares. Au début c'était cool à Ouessant. Avec un choix déterminant car il fallait partir avec le grand spi. Mais très vite il a fallu changer car ça mollissait. Quand j'ai voulu remettre le grand spi, la manœuvre s'est mal passée, j'ai eu un problème de pilote automatique à ce moment-là. J'ai perdu vachement de terrain sur la tête de course malheureusement. Je cours derrière mais je n'arrive pas à trouver les manettes sur le bord que nous avons pour revenir. Nous avons actuellement 20 nœuds moyen, avec une mer encore cabossée. Ça arrose constamment sur le pont. On est à 105° du vent en direction du chenal du Four. Ça tape, mais ça va vite. »

Élodie Bonnafous (Queguiner – La Vie en Rose), elle aussi dans le premier groupe de poursuivants, avait comme à son habitude la pêche : « Celle-là, je m'en rappellerais. C'était engagé, c'était sport, Yann (Yann Chateau, Directeur de Course) a été culotté de nous envoyer là-dedans. Mais je suis contente de l'avoir fait. Ce n'était pas forcément le vent mais c'était la mer qui était très très très tonique, avec des grandes glissades sous petit spi, GV 1 ris. Les creux étaient immenses c'était bien sympa. J'avais essayé de bien dormir au début de l'étape pour justement pouvoir faire face. Durant le bord de près cette nuit j'ai réussi à dormir un peu. Je charbonne à fond sur cette deuxième traversée et j'espère, de nouveau, pouvoir me reposer un peu vers la côte bretonne, quand il y aura un peu moins d'air. On a eu le plus fort du vent, maintenant ça va être plus maniable. Le vent va légèrement mollir et adonner, dans mes prévisions il y aura la possibilité d'envoyer le grand spi en arrivant dans le chenal du Four. Normalement nous allons le passer avec le courant, ça serait parfait. En Bretagne sud nous devrions plus être sur du thermique, ça sera beaucoup plus agréable. Les surfs dans les vagues hier étaient énormes. Je ne savais pas comment et quand ça allait s'arrêter. J'étais focus sur la manœuvre d'affalage de spi à Portland Bill et je dois dire que ça m'a bien occupé l'esprit sur la première traversée. Je suis actuellement avec une cagoule en néoprène sur la tête. Il a fait bien froid cette nuit. Nous avons les premières lueurs du jour, je suis au planning sous gennaker dans une vingtaine de nœuds, ça glisse pas mal et nous sommes bien arrosés. »

Le chenal du Four, passe de la mer d'Iroise, devrait être entamé vers 10 h 30 par les chefs de meute toujours la main sur le moulin à café. Viendra ensuite le contournement de la pointe bretonne et la longue glissade vers la Loire-Atlantique et l'arrivée à La Turballe espérée pour eux vers 3 h du matin ce jeudi.