En Israël, les familles des otages entre espoir et angoisse après l'annonce d'une trêve à Gaza
La fin d'un long cauchemar se dessine pour les familles des otages encore retenus dans la bande de Gaza, alors qu'un accord de cessez-le-feu a été annoncé mercredi 15 janvier entre le Hamas et Israël. Il prévoit une trêve à partir de dimanche, la libération de 33 otages israéliens en échange d'un millier de prisonniers palestiniens, et une augmentation de l'aide humanitaire.
Toutes les femmes, civiles ou militaires, tous les enfants et tous les hommes de plus de 50 ans encore retenus dans l'enclave palestinienne depuis l’attentat du Hamas du 7 octobre 2023 seraient libérés dans cette première phase.
Selon un haut responsable américain, cinq soldates israéliennes devraient faire partie du premier contingent d'otages libérés, ainsi que deux citoyens américains. Lors d’un point presse, ce responsable a déclaré que les médiateurs se réuniraient au Caire jeudi pour se concentrer sur la mise en œuvre de l’accord, rapporte Haaretz.
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Les autres otages vivants doivent être libérés au cours d'une hypothétique deuxième phase, avant le rapatriement des dépouilles des corps des otages décédés lors d'une troisième phase, a précisé le président américain Joe Biden.
Une lueur d'espoir pour les familles des otages aux mains du Hamas et du Jihad islamique depuis 15 mois. Le Forum des familles d'otages, qui fait depuis longtemps pression sur les dirigeants israéliens pour qu'ils concluent un accord, a déclaré qu'il accueillait l'annonce de mercredi avec joie et soulagement.
"Après 460 jours de détention des membres de nos familles dans les tunnels du Hamas, nous sommes plus près que jamais de retrouver nos proches", a déclaré le groupe dans un communiqué.
Des familles dans l'attente
Mais faute de preuves de vie, l'inquiétude et la prudence restent de mise en Israël, alors que la bande de Gaza a été anéantie par des mois d'intenses combats et de bombardements qui ont fait plus de 46 000 morts dans l'enclave palestinienne.
"Il y a un grand soulagement en Israël, mais aussi de l'anxiété à l'idée de devoir potentiellement faire face à la mort d'un proche", explique Claire Duhamel, la correspondante de France 24 à Jérusalem. "Dans la liste des 33 premiers otages qui doivent être libérés, on ignore qui est vivant et qui est mort. Il y a aussi la peur pour les familles d'otages que la deuxième et la troisième phase ne soient jamais atteintes."

Une incertitude insoutenable, rappelée jeudi matin par le chef de la diplomatie française alors que deux otages franco-israéliens, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, sont encore détenus dans la bande de Gaza.
"Depuis de trop nombreux mois, nous n'avons pas de leurs nouvelles [...]. Nous espérons vivement qu'ils puissent nous revenir en vie et en bonne santé", a affirmé Jean-Noël Barrot sur RTL.
"Je crois qu'Ofer est en vie et j'espère qu'il va revenir", veut croire de son côté Ifat Kalderon, cousine d'Ofer Kalderon. "Il y a des sentiments mitigés : d'un côté de la joie, mêlée à un stress horrible avant de savoir que ça va vraiment se passer", confie-t-elle à l'AFP.
"Les Israéliens demandaient à avoir une liste circonstanciée des otages vivants et ceux décédés. Cela a longtemps été un point d'achoppement dans les négociations", rappelle David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques, sur l'antenne de France 24.
Sur les 251 personnes enlevées le 7 octobre 2023 lors des attaques terroristes perpétrées par le Hamas, 94 sont toujours retenues dans l'enclave palestinienne, dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.
Ultimes concessions
À l'espoir d'une issue heureuse se mêle également un sentiment d'amertume pour celles et ceux qui ont perdu un proche à Gaza. Dans un communiqué, Rachel Goldberg-Polin et Jon Polin, dont le fils Hersh a été exécuté par le Hamas, saluent "la réunification imminente des otages restants avec leurs proches" tout en regrettant un accord beaucoup trop tardif.
"Notre fils bien-aimé Hersh et tant d'autres civils innocents auraient dû être sauvés depuis longtemps par un accord comme celui-ci, d'autant plus que le cadre de l'accord d'aujourd'hui est en place depuis mai 2024", écrivent Rachel Goldberg-Polin et Jon Polin.
En mai, le président américain Joe Biden avait poussé pour un accord de cessez-le-feu en tous points similaires à celui annoncé mercredi, mais celui-ci n'a jamais abouti, au grand dam des familles des otages.
"Même s'il y a un soulagement, il y a une souffrance liée au fait que l'on aurait sans doute pu finaliser un accord plus tôt", résume David Rigoulet-Roze. "Itamar Ben Gvir [le ministre israélien de la Sécurité nationale, NDLR] a publiquement reconnu qu'il avait fait obstruction à plusieurs reprises. Il y aura nécessairement un débat qui risque d'être sévère en Israël, car il va pointer les responsabilités des uns et des autres."
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Trop souvent déçues, les familles des otages affichent désormais un optimisme prudent. D'autant plus que persistent certains points d'achoppements entre les négociateurs réunis au Caire. Selon la presse israélienne, le Hamas cherche à arracher des concessions de dernière minute en contestant notamment le droit de veto accordé à Israël sur la libération de certains prisonniers palestiniens.
Dans le cadre de cet échange négocié depuis des semaines, le Hamas réclamait la libération de prisonniers de premier plan comme Marwan Barghouti, un leader politique palestinien ayant joué un rôle clé dans la première et la deuxième intifada, Ahmad Saadat, secrétaire général du Front de libération de la Palestine, ou encore Abdullah Barghouti, un commandant du Hamas.
"Le Hamas revient sur certains points de l'accord conclu avec les médiateurs et Israël dans une tentative d'extorquer des concessions de dernière minute", affirme un communiqué du bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
De nouvelles péripéties qui viennent encore ajouter à la fébrilité et à l'angoisse des familles. Le cabinet de sécurité israélien a averti jeudi qu'il se réunira pour approuver le cessez-le-feu uniquement lorsque "tous les éléments de l'accord" auront été acceptés par le Hamas.