C’est un revers de taille pour l’industrie navale française. Ottawa a annoncé mardi avoir écarté Naval Group de la compétition visant à doter la marine royale canadienne de douze nouveaux sous-marins. Ce contrat juteux, estimé à 60 milliards de dollars canadiens (37 milliards d’euros), ne se jouera donc plus qu’entre l’Allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) et le Sud-coréen Hanwha Ocean.
Le chantier naval tricolore misait pourtant sur son Blacksword Barracuda à propulsion conventionnelle, qui avait déjà séduit les Pays-Bas en mars dernier. Écarté cette fois-ci, Naval Group «prend acte du choix souverain du gouvernement canadien», a réagi sobrement l’entreprise, contactée par Le Figaro. Outre le constructeur français, le Suédois Saab (associé au néerlandais Damen) et l’Espagnol Navantia ont également été éliminés.
Passer la publicitéSelon Ottawa, la décision repose sur «une évaluation approfondie des besoins du Canada (...), y compris les échéanciers de construction et de livraison de la nouvelle flotte». Ces exigences sont lourdes : les futurs submersibles devront pouvoir patrouiller dans les trois océans bordant le pays et surtout opérer dans l’Arctique avec une «autonomie et une endurance accrues», tout en offrant «des capacités clés, telles que la furtivité, la persistance et la létalité».
Calendrier contraint
Le calendrier est lui aussi particulièrement serré, puisque Ottawa exige que le premier bâtiment soit livré d’ici 2035. Un critère qui a pu, selon certains observateurs, peser contre Naval Group, déjà engagé sur plusieurs programmes majeurs : les sous-marins Barracuda pour les Pays-Bas, les Scorpène pour l’Indonésie, les frégates FDI pour la Grèce, et les futurs sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération (SNLE 3G) destinés à la Marine française. Si l’industriel français affirmait pouvoir tenir les délais, Ottawa pouvait douter de sa capacité à mener de front toutes ces commandes.
Si les modèles retenus ne sont pas précisés officiellement, le choix devrait se faire entre le U212CD allemand et le KSS-III Batch 2 sud-coréen, capables de missions longue distance sous la glace, selon le magazine spécialisé Zone Militaire. «Notre objectif consiste à défendre notre souveraineté, à protéger les Canadiens et à veiller à ce que nos forces armées disposent des outils dont elles ont besoin», a déclaré le ministre de la Défense David J. McGuinty. Pour Naval Group, c’est une nouvelle déconvenue sur le marché nord-américain : dans les années 1980, Ottawa avait déjà failli acquérir 12 SNA de type Rubis dans le cadre du CASAP, un projet finalement abandonné pour des raisons politiques.