Les organisateurs ont précisé que deux thèmes devaient être évités. « La religion et le pouvoir. » De quoi vont-ils bien pouvoir rire, alors ? De bien des sujets, assure Louis C.K., cet humoriste américain qui a fait sa marque de fabrique d’un cynisme malin et provocateur. Il fait partie des comiques qui ont accepté l’invitation du Riyadh Comedy Festival, qui se tient en Arabie saoudite jusqu’au 9 octobre. Une invitation qui a suscité des critiques de l’autre côté de l’Atlantique. Vendredi, dans l’émission « Real Time With Bill Maher », l’humoriste a défendu sa participation.
Avec Dave Chappelle, Bill Burr ou Kevin Hart, pour citer les noms les plus connus, il a été accusé par certains de ses confrères de soutenir un régime coupable de violations des droits de l’homme en se rendant à cet événement organisé sous l’égide de l’Autorité générale pour le divertissement saoudien. Le monde du stand-up américain ne sait plus trop quel groupe applaudir. Celui qui « résiste » ou celui qui se propose de lentement faire bouger les lignes.
À lire aussi « On ne maîtrise pas les résultats du box-office » : Dwayne Johnson réagit au flop de Smashing Machine
Passer la publicitéUn accueil chaleureux à Riyad
« Quand je recevais des offres pour jouer dans des endroits comme ceux-là par le passé, il y avait toujours une longue liste de choses à ne pas évoquer. Je refusais parce que je n’avais pas envie de ça. Quand j’ai compris que c’était désormais beaucoup plus ouvert, je me suis dit que cela devenait drôlement intéressant. Une bonne opportunité. L’humour est une excellente façon d’engager la conversation », estime Louis C.K., qui devait se produire le 6 octobre à Riyad en compagnie du redoutable humoriste britannique Jimmy Carr.
Il n’a visiblement pas été échaudé par les deux sujets interdits, la religion et le pouvoir. « Je n’avais pas de blagues sur ces deux thèmes-là », commente-t-il, avant de se rassurer en rappelant que ses traits d’humour, de toute façon, « sont offensants pour à peu près tout le monde ».
« J’adore le stand-up et j’aime les humoristes. Le fait que ce genre de spectacle commence à germer me réjouit. Je veux le voir, je veux y participer », s’enthousiasme Louis C.K., qui concède toutefois avoir eu un moment d’hésitation. Le New-Yorkais, qui avait été mis en cause en 2017 dans une affaire d’inconduite sexuelle, a précisé que certains de ses collègues ont été agréablement « surpris » par l’accueil du public saoudien. « Une femme lesbienne et juive, qui a fait un spectacle là-bas, a reçu une ovation debout », ajoute-t-il.
Cachets faramineux
À ceci près que Jessica Kirson, la comique en question, a depuis battu sa coulpe. « Je regrette profondément d’avoir participé [à ce festival] sous les auspices du gouvernement saoudien », a fait savoir l’artiste, qui a présenté ses excuses pour cette supposée compromission. Son cachet, a-t-elle précisé, sera reversé à une association de défense des droits humains. Dans The Hollywood Reporter, elle avait précisé avoir demandé aux organisateurs la garantie qu’elle pourrait parler de son homosexualité sur scène, afin « d’aider les personnes LGBTQ+ en Arabie saoudite ».
L’ONG Human Rights Watch affirme que le festival fait figure de contre-feu pour le gouvernement « dans un contexte de répression accrue, notamment de la liberté d’expression, que beaucoup de ces comédiens défendent mais dont les citoyens saoudiens sont complètement privés ».
Depuis Riyad, l’humoriste Dave Chappelle, figure de l’humour américain connue pour son franc-parler et ses propos parfois polémiques, a opté pour le contrepied. « C’est plus facile de parler ici que là-bas », a-t-il lancé devant un public de 6 000 personnes. « À l’heure actuelle, on dit que si vous parlez de Charlie Kirk [aux États-Unis], vous êtes censuré ! »
À lire aussi « C’est plus facile de parler ici que là-bas » : en Arabie saoudite, Dave Chappelle se moque de l’Amérique de Trump
Tim Dillon, un autre humoriste, a expliqué que son invitation a été annulée en raison d’une blague qu’il avait faite par le passé sur le royaume. Selon les médias américains, certains des artistes auraient été payés à hauteur de 375 000 dollars pour leur participation. Depuis plusieurs mois, l’Arabie saoudite démultiplie les manifestations et les invitations faites aux artistes étrangers dans une politique d’ouverture à l’industrie du divertissement. Qui peut y rire de tout, ou presque.