Effondrements rue d’Aubagne à Marseille : 8 ans après la mort de 8 personnes, un copropriétaire est condamné, d’autres sont relaxés

Ouloume, Julien, Taher, Chérif, Fabien, Simona, Pape et Marie-Emmanuelle… Huit années après la mort de ces huit personnes, le président du tribunal, Pascal Gand, rend une décision très attendue, ce lundi 7 juillet, dans le procès des effondrements de la rue d’Aubagne dans le 1er arrondissement, dans le centre-ville de Marseille. Dans cette rue au nom devenu tristement célèbre, deux immeubles anciens situés aux numéros 63 et 65, se sont écroulés le 5 novembre 2018, vers 9 heures du matin. Un troisième immeuble, situé au numéro 67, s’est également effondré à 75 % pendant les opérations de sécurisation du chantier.

Pour l’heure, trois copropriétaires représentant deux appartements du 65 rue d’Aubagne ont été relaxés. À l’énoncé de chaque relaxe, la salle gronde. « Si on relaxe tout le monde aussi… », murmure une femme, en colère, dans le public, rapportent nos confrères de La Provence. Un autre copropriétaire a toutefois été, lui, reconnu coupable. Alors que le président Pascal Gand énonçait les fautes des propriétaires de l’appartement du 1er étage loué à une famille comorienne, leur reprochant « une indifférence totale » sur l’état du logement, le mis en cause Sébastien Ardilly a commencé à s’affaisser, au côté de ses deux parents, avant de s’effondrer au sol, selon l’Agence France-Presse.

Des copropriétaires accusés d’avoir « joué la montre »

Ce jugement très attendu fait suite à un procès qui s’est tenu pendant un mois et demi à l’automne. Les débats ont permis d’établir que les effondrements des numéros 63 (vide) et 65 étaient inéluctables vu l’état du bâti. Mais aucune mise à l’abri des locataires du 65 n’avait été décidée et les travaux entrepris s’étaient avérés inefficaces voire contreproductifs.

Quatre personnes avaient ainsi été renvoyées devant le tribunal par l’instruction. Il s’agissait de Julien Ruas, adjoint du maire LR de l’époque Jean-Claude Gaudin, de l’architecte Richard Carta qui avait expertisé l’immeuble moins de trois semaines avant son effondrement, mais aussi de deux personnes morales, le syndic du 65, le cabinet Liautard, et le bailleur social propriétaire du numéro 63, laissé à l’état de ruine par Marseille Habitat.

Certaines parties civiles avaient de leur côté trouvé cela insuffisant : elles avaient cité à comparaître une douzaine de personnes supplémentaires, dont des copropriétaires. Au final, 16 personnes morales et physiques ont été jugées pour différents délits, notamment homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité, cinq ans de prison maximum, et soumission de personnes vulnérables dont au moins un mineur à des conditions d’hébergement indigne, jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

Le procureur, Michel Sastre, avait estimé, comme les parties civiles, que les copropriétaires avaient bien « connaissance des problèmes structurels de l’immeuble » mais avaient « joué la montre » pour « dépenser le plus tard et le moins possible ». Il avait même requis à l’encontre de Xavier Cachard, élu régional qui avait au moment des faits la double casquette de propriétaire et avocat du syndic, la peine la plus lourde : cinq ans de prison dont trois ferme.

Des peines significatives avaient aussi été réclamées contre Richard Carta, l’expert-architecte (trois ans de prison dont deux ferme) et Julien Ruas (trois ans de prison), seul élu municipal poursuivi dans cette affaire qui avait jeté une lumière crue sur l’inaction de l’équipe de Jean-Claude Gaudin, dont le parti perdra la mairie deux ans plus tard face à une coalition gauche-écologistes-société civile. Durant les débats, les prévenus avaient contesté en bloc, les avocats plaidant des relaxes en cascade. Julien Ruas, chargé de la prévention de la gestion des risques urbains, avait dit refuser « d’endosser toutes les responsabilités de la mairie de Marseille ».

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