Mort du petit Émile : les étapes clés de deux années d’enquête
Jusqu’alors, tous les éléments pouvaient laisser penser que le petit Émile Soleil s’était accidentellement perdu dans la forêt en juillet 2023, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Mais un rebondissement pourrait rebattre les cartes de l’enquête, ouverte depuis 20 mois. Les grands-parents du garçonnet, ainsi que deux de leurs enfants majeurs, ont été placés en garde à vue ce mardi 25 mars pour «homicide volontaire» et «recel de cadavre», a annoncé le procureur de la République d’Aix-en-Provence.
Selon le communiqué du procureur, «ces placements en garde à vue s’inscrivent dans une phase de vérifications et de confrontations des éléments et informations recueillis lors des investigations réalisées ces derniers mois».
L’enquête se recentre donc sur le cercle familial, alors qu’Anne et Philippe Vedovini, les grands-parents, avaient fait part de leur besoin de vérité après tant de mois de confusion, lors des obsèques de leur petit-fils le 8 février dernier. «Le temps du silence doit laisser place à celui de la vérité (...) Nous ne pouvons plus vivre sans réponse, nous ignorons toujours ce qui est arrivé à Émile». Et d’insister : «Nous avons besoin de comprendre, besoin de savoir.» En parallèle, une perquisition a été menée au domicile principal des grands-parents à La Bouilladisse (Bouches-du-Rhône), a appris Le Figaro d’une source proche du dossier.
Face à ce tournant inédit dans l’affaire, Le Figaro retrace les étapes clés qui ont marqué l’enquête sur la disparition d’Émile.
Disparition, premières recherches et ouverte d’une enquête
Le 8 juillet 2023, à 17h15, Émile est aperçu pour la dernière fois par deux voisins dans une ruelle du Haut-Vernet, un hameau de 25 habitants à 1200 mètres d’altitude, sur les flancs du massif des Trois Évêchés (Alpes-de-Haute-Provence), où il venait d’arriver pour les vacances d’été dans la résidence secondaire de ses grands-parents maternels. Ses parents, issus d’une famille catholique observante, habitent La Bouilladisse et ne sont pas présents ce jour-là.
La gendarmerie est alertée vers 18h et une enquête pour recherche des causes de disparition inquiétante débute le lendemain, assortie d’un appel à témoins. Une battue réunit des centaines d’anonymes venus prêter main-forte les deux premiers jours. Enquêteurs et militaires continuent d’inspecter minutieusement 97 hectares de champs, bois et terrains escarpés, sans succès. La trentaine de maisons du hameau rattaché à la commune du Vernet est aussi fouillée, les habitants interrogés et leurs véhicules visités.
Une information judiciaire est ouverte le 18 juillet en raison de «la complexité de l’affaire» auprès du pôle de l’instruction d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Deux juges d’instruction sont saisis du dossier, toujours pour recherche des causes de disparition inquiétante. Un travail minutieux d’analyse des données recueillies débute alors. Le 25 juillet les équipes cynophiles spécialisées dans la détection de restes humains, appuyées par des drones, sont déployées au Vernet. Le 21 août, l’enquête judiciaire est élargie aux faits criminels «d’enlèvement» et «séquestration». Ce nouveau cadre procédural «offre plus de souplesse» aux enquêteurs, souligne à l’époque le procureur adjoint.
Les parents et grands-parents s’expriment
Dans leur première prise de parole, les parents de l’enfant ont déclaré fin août dans l’hebdomadaire Famille Chrétienne n’avoir «rien à cacher» et déplorent des «témoignages malveillants dans la presse». «On imagine forcément le pire, mais on ne peut s’empêcher d’espérer...», a confié le père. Dans le même hebdomadaire, à la veille du troisième anniversaire d’Émile le 24 novembre, ses parents ont diffusé un appel vibrant : «Comprenez notre détresse, dites-nous où est Émile», a imploré la mère.
En septembre de la même année, les grands-parents ont, eux aussi, pris la parole dans ce même journal. Philippe, le grand-père, dénonçait dans cet entretien le fait qu’on le fasse passer «pour un dominateur qui terrorise tout le monde. Tout cela est faux, mais je m’en moque». Sa femme, Anne, a reconnu que la situation avec les parents d’Émile était «difficile». «Quelquefois, ça fait des étincelles [...] Nous sommes tous tendus», a-t-elle confié.
Mise en situation
Le 28 mars, la famille d’Émile, des voisins et d’autres témoins visuels, soit 17 personnes, sont réunis par la justice au Haut-Vernet pour une «mise en situation», visant à reconstituer le moment où l’enfant a été aperçu pour la dernière fois.
Découverte des ossements
Trois jours plus tard, le 31 mars, des ossements du petit garçon - le crâne et plusieurs dents - et certains vêtements sont retrouvés par une randonneuse «à proximité du hameau Vernet» puis envoyés en analyse. Deux traces d’ADN humaines inconnues et «dégradées» ont été découvertes sur les ossements et les habits. Elles n’appartiennent à aucun membre de la famille de l’enfant. Mais les enquêteurs n’excluent pas qu’il puisse s’agir de traces liées à une contamination accidentelle.
Obsèques
Les obsèques du garçonnet ont été célébrées le 8 février en la basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var), en présence de toute la famille Soleil. Plusieurs centaines de personnes ont assisté à l’office religieux célébré selon le rite tridentin, conformément à la volonté des parents d’Émile, fervents catholiques traditionalistes.
À la fin de la cérémonie, les grands-parents ont clamé que «le temps du silence doit laisser place à la vérité».
Jardinière
Alors que l’enquête patinait, elle a connu une nouvelle accélération le 14 mars dernier. La section de recherches de Marseille, qui mène sans relâche les investigations depuis près de deux ans, a fait une descente «nocturne» au Haut-Vernet. Une jardinière située devant l’église du hameau a été saisie après avoir été «vidée de sa terre».
La quinzaine d’enquêteurs de la cellule Émile a analysé l’objet pendant plusieurs heures et a notamment aspergé la jardinière de «BlueStar», un produit utilisé dans la pénombre par les scientifiques afin de détecter une trace de sang, a expliqué BFMTV. D’après RTL, plusieurs traces ont été découvertes sur cet imposant bac à fleurs, précisant que l’expertise devra déterminer s’il s’agit bien de traces de sang et si elles sont d’origine humaine ou animale. Toujours selon cette même source, les gendarmes auraient été mis sur cette piste de la jardinière après avoir reçu une lettre anonyme en février dernier.
Toutefois, d’après nos informations, l’analyse de cette jardinière n’a pas été déterminante dans la décision de placer en garde à vue les quatre membres de la famille d’Émile.
Garde à vue du cercle familial
Il s’agit du dernier rebondissement en date. Ce mardi 25 mars, les grands-parents ainsi que deux de leurs enfants - certainement un oncle ou une tante d’Émile - ont été placés en garde à vue pour «homicide volontaire» et «recel de cadavre», a annoncé le procureur de la République d’Aix-en-Provence. En parallèle, une perquisition est en cours au domicile des grands-parents à La Bouilladisse dans les Bouches-du-Rhône, nous indique une source proche du dossier.