« C’est profondément déplorable et totalement inexcusable » : comment franceinfo TV tente d’éteindre l’indignation provoquée par son débat sur la possibilité de faire de Gaza une « Riviera »

« Une séquence proposant un traitement totalement inapproprié et regrettable a été diffusée hier dans l’Heure américaine. Nous l’avons supprimée de notre site et déplorons ce moment », a annoncé franceinfo TV sur son compte X, à la mi-journée, jeudi 6 février. Un mea culpa qui ne suffira sans doute pas à éteindre l’incendie provoqué mercredi 5 février au soir par une séquence totalement surréaliste.

La veille Donald Trump a annoncé, aux côtés du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, sa volonté de « prendre le contrôle » de la bande de Gaza et d’en expulser les Palestiniens pour faire de l’enclave – où plus de 60 000 personnes ont été tuées sous les bombardements israéliens – la « Riviera du Moyen Orient ». Face au crime contre l’humanité que constituerait le déplacement forcé de la population, l’émission l’Heure américaine du service public a invité… un professionnel de l’hôtellerie.

La direction « réfléchit aux suites disciplinaires »

Avec un bandeau à l’écran indiquant « Gaza « Côte d’Azur », et si c’était possible ? », le journaliste Julien Benedetto annonce « laisser la politique de côté un instant » pour interroger le président des métiers et des industries de l’hôtellerie d’Île de France, Franck Delvau. « La bande de Gaza en Riviera, est-ce que ça a du sens pour le professionnel du tourisme que vous êtes ? », lance-t-il ajoutant que le territoire « a des atouts, on l’a déjà dit ». S’ensuit une hallucinante série de considérations sur le nombre d’hôtels qui seraient nécessaires, les professionnels qu’il faudrait former ou encore la réticence des touristes à se rendre dans des endroits peu sûrs.

Le rédacteur en chef en service ce soir-là aurait proposé d’être suspendu de son poste, selon des informations du Monde, ce qui aurait été refusé par sa hiérarchie, qui « réfléchit aux suites disciplinaires à donner à cette faute ». La direction de franceinfo TV n’avait pourtant pas tardé à relever de ses fonctions le rédacteur en chef aux manettes quand un bandeau indiquant « 200 otages palestiniens libérés » avait été diffusé samedi 25 janvier.

En attendant la fumée blanche, « nous sommes ici au-delà du réel et à mille lieues du journalisme », déplore le SNJ de France Télévisions, dans un communiqué daté du 6 février. « Dire que ce serait une erreur serait déjà un début d’excuse, alors que c’est inexcusable, intolérable. Ce n’est pas à nous de fixer le degré de sanction ni de dire qui est responsable. À force de vouloir faire du remplissage par des débats, faute de moyens, on en arrive à parler de tout n’importe comment. Journalistiquement, éthiquement, déontologiquement et humainement, c’est profondément déplorable et totalement inexcusable », ajoute le syndicat.

L’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (Ajar) condamne également « avec véhémence la discussion du crime contre l’humanité que constituerait le déplacement forcé des Gazaouis sous l’angle de sa « valeur économique » potentielle faite par franceinfo ». De leur côté des internautes, dont le collectif Sleeping Giants, ont fait savoir qu’ils avaient saisi l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, qui ne s’est pas manifesté pour l’heure.

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