À l’issue de sa réunion avec le président français Emmanuel Macron mercredi 18 décembre au soir, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé un accord pour former une seconde brigade de l’armée ukrainienne en France. «J’ai exprimé ma gratitude à la France pour la préparation d’une brigade pour notre armée et nous avons convenu de poursuivre cette coopération et de préparer une brigade supplémentaire», a-t-il écrit, précisant que «l’accent reste clairement mis sur le renforcement des capacités de défense aérienne» et saluant une «discussion approfondie en tête-à-tête».
Le 6 juin 2024, lors de la commémoration des 80 ans du Débarquement de Normandie, le chef de l’État français avait annoncé la formation d’une brigade ukrainienne dans l’hexagone, officialisée le 28 juin. La 155e brigade mécanisée, aussi appelée Anne de Kiev, est notamment équipée de 18 canons français Caesar, de 128 véhicules de l’avant blindé (VAB) français, de 18 blindés de reconnaissance-feu français AMX-10RC, de 10 camions Renault TRM et de 20 postes de missiles anti-chars Milan, mais aussi une trentaine de chars lourds allemands Leopard 2A4 fournis par la Pologne. 2300 soldats ukrainiens (parmi les 4500 que compte l’unité) ont été formés dans le camp de Mourmelon dans l’est de la France par 1500 soldats français. «Un modèle de soutien à l’Ukraine inédit que seule la France met en œuvre», salue le ministère des Armées, qui rappelle qu’au-delà de la brigade Anne de Kiev, la France a formé 15.000 soldats ukrainiens depuis le début de la guerre.
«Entrée dans la zone de combats»
Mi-novembre, la 155e brigade mécanisée a fini sa formation, avait annoncé le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Umerov, tandis que des «VAB» était observés sur des trains par l’Agence France Presse en partance pour l’Ukraine. Et, le 11 décembre, le colonel Dmitry Ryumshin, annonçant qu’il quittait le commandement de la brigade dans un message sur les réseaux sociaux, ajoutait que l’unité faisait son «entrée dans la zone de combats». Des éléments de la brigade ont depuis été observés dans la région de Pokrovsk, où les Russes progressent ces dernières semaines, village après village. Ce 19 décembre encore, le ministère russe de la Défense a annoncé la prise de deux localités supplémentaires, alors que les forces russes ne sont plus qu’à trois kilomètres de la ville, centre logistique clé du Donbass.
En Ukraine, des critiques ont néanmoins émergé ces dernières semaines à propos de la brigade Anne de Kiev. Le réquisitoire sévère d’une députée, Maryana Bezugla, qui déclarait récemment dans la presse ukrainienne exercer «un contrôle démocratique civil nécessaire en temps de guerre», a fait grand bruit. «Le sort de la 155e Brigade mécanisée reste le même que celui de toutes les autres ’brigades zombies’ ou ’brigades de papier’, comme on les appelle aussi. On y intègre de force des gens, mais aucune coordination des structures de commandement n’est assurée. Plus tard, l’unité est tout simplement démantelée et rattachée à d’autres, la plupart étant envoyées dans des unités d’assaut, à l’exception de celles ’placées’ à des postes d’état-major par des stratagèmes douteux», avait écrit sur X la parlementaire issu du parti «Serviteur du peuple», celui de Volodymyr Zelensky. Et de se demander : «Qu’est-il arrivé à la 155e brigade» ? «Même les efforts français pour spécialiser la brigade n’ont pas pu la sauver des mauvaises décisions militaires de nos généraux, qui ont finalement démantelé l’unité (...) Maintenant, de retour en Ukraine, cette brigade est démantelée comme des organes donneurs pour d’autres brigades», concluait-elle.
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Un correspondant de guerre ukrainien médiatique, Yuriy Butusov, a également fait part de «centaines» de désertions au sein de la brigade Anne de Kiev. «Ils y ont entassé de force plusieurs milliers de personnes de la rue. Plusieurs centaines, plus d’un millier d’entre elles, sont immédiatement rentrées chez elles après leur arrivée dans l’unité», a-t-il déclaré début décembre dans une vidéo. Lanceur d’alerte en Ukraine, Yuriy Butusov alerte depuis plusieurs mois sur l’augmentation considérable des désertions au sein de l’armée ukrainienne, reconnue par les autorités elles-mêmes. Selon les chiffres officiels de la justice, chaque mois, plus de 5000 soldats ukrainiens abandonneraient leur unité ou déserteraient. Autrement dit, l’équivalent de plus d’une brigade s’évaporerait mensuellement.