«Procès stalinien», «putsch» et municipales : à Marseille, les Verts voient rouge
À Marseille, la trêve des confiseurs n’est pas à l’ordre du jour chez les Verts. À quelques jours des fêtes de fin d’année, l’adjoint écologiste au maire en charge de la mer, Hervé Menchon, a appris sa suspension provisoire du parti. Comme l’a révélé La Provence , celui-ci a été sanctionné pour avoir appelé les militants écologistes locaux à organiser un congrès régional extraordinaire, quelques semaines après la mise à l’écart de plusieurs membres du bureau exécutif régional.
Co-secrétaire des Écologistes en Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Varois Jean-Laurent Félizia a été évincé à la fin du mois de novembre par sa binôme originaire du Vaucluse, Géraldine Boÿer. D’autres membres du bureau exécutif régional en ont été exclus, à l’image de l’ancien porte-parole régional du parti, le marseillais Hassen Hammou, ou Thomas Laffare, trésorier du parti et président du groupe de la majorité de Benoît Payan dans les 2e et 3e arrondissements de la cité phocéenne.
La demande d’organisation d’un congrès extraordinaire serait liée à cette série d’évictions. Contacté, Hervé Menchon indique sobrement prendre acte de sa suspension. «C’est un petit putsch qui aura fait pschitt, tacle l’adjointe écologiste au maire de Marseille Christine Juste. Notre secrétaire régionale, dans sa sagacité, a pris cette décision pour ne pas perturber les choses. Quand des gens espèrent un congrès extraordinaire, on ne peut pas s’empêcher de ne pas y voir un lien avec les municipales à Marseille. Notre prochain congrès est prévu pour mai 2026, soit après les municipales. Donc il se décidera au niveau local de la stratégie.»
Payan ou LFI ?
Christine Juste s’affiche régulièrement ces dernières semaines aux côtés de Benoît Payan et ses proches, comme jeudi encore dans une vidéo postée sur Instagram où elle défendait le bilan de l’ancien maire socialiste aux côtés de l’adjoint à la sécurité et patron du PS local, Yannick Ohanessian. «Je suis pour le format de l’union et je ne vois pas qui d’autre à part Benoît Payan pourrait l’incarner», plaide-t-elle. Une position loin de faire l’unanimité chez les écologistes marseillais, pris en étau entre les ambitions municipales de LFI d’une part et la coalition emmenée par Benoît Payan d’autre part, l’union entre les deux étant hautement improbable pour l’heure.
«La majorité des militants ne veulent pas d’une union avec LFI, croit savoir Christine Juste. Moi, je parle avec Benoît Payan. Sébastien Delogu ne me dit même pas bonjour.» Au sein du parti, sous couvert d’anonymat, plusieurs membres appellent à suivre une autre voie : celle de l’autonomie, a minima au premier tour. «Christine Juste veut partir avec Payan, mais je sais par expérience que pour partir avec eux, il faut leur cracher à la figure», clame même un cadre écologiste. Partisan de son côté d’une union avec LFI et régulièrement critique de la coalition emmenée par Benoît Payan, l’adjoint au maire écologiste Sébastien Barles voit également dans ces tensions internes aux Verts les soubresauts de divergences pour les municipales.
Les mouvements extérieurs (aux Verts) se délectent de nos tensions
Sébastien Barles, adjoint au maire écologiste
«Il existe des tensions mais qui sont instrumentalisées avant les élections par les extérieurs, affirme Sébastien Barles. S’il y a une fuite de nos soucis internes, elles viennent bien de l’extérieur. Nous sommes ces derniers mois plutôt dans une bonne dynamique de relance. Mais nous faisons face à de l’entrisme, avec des adhérents bidons. De nos tensions, les mouvements extérieurs s’en délectent. C’est fait pour nous affaiblir, nous, les écologistes. Il ne faut pas que le ralliement à Payan soit fait de manière autoritaire.»
Une lecture que ne partage pas la direction nationale du parti. «Ce qui se pense en ce moment à la fédération de Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a rien à voir avec les municipales, rétorque François Thiollet, secrétaire national adjoint des écologistes en charge de la vie interne. La suspension d’Hervé (Menchon) et ce qui s’est passé pour les autres n’ont pas les mêmes motifs. C’est lié à des soucis internes qui doivent se régler en interne. Nous communiquerons plus tard de manière commune et concertée.»
Coups bas
«Aujourd’hui, les écologistes marseillais font partie intégrante de la majorité municipale, tient à rappeler Hassen Hammou, l’un des écologistes marseillais récemment mis à l’écart. Le processus reste profondément démocratique. Ce sont les militants écologistes eux-mêmes qui choisiront la meilleure stratégie pour l’avenir de notre ville.» «Les municipales à Marseille doivent se régler à Marseille», plaide une cadre écologiste.
À en croire certains, l’argument des municipales ne serait qu’un écran de fumée pour masquer des conflits de personnes. «On est en réalité sur des pratiques staliniennes faites de manipulations et de coups bas, accuse un poids lourd écologiste marseillais sous couvert d’anonymat. Le problème n’a pas été résolu depuis 2022, malgré la mise sous tutelle, et tout ça aboutit à un procès stalinien.» Il y a deux ans, de vives tensions secouaient alors déjà le parti en Provence, traversé par plusieurs courants rivaux. Après une mise sous tutelle, une sorte de pacte d’équilibre avait été trouvé entre les différentes motions et leurs chefs de file pour diriger le parti. Deux ans plus tard, une nouvelle crise de leadership couve, alors que l’actuelle secrétaire régionale, Géraldine Boÿer, est critiquée à mots à peine couverts.
La secrétaire régionale critiquée
«C’est simple : elle élimine un à un les cadres qui ne sont pas de sa motion», lance un écologiste. «Quand elle a vu la possibilité d’un congrès extraordinaire, elle a eu peur de perdre le pouvoir, croit savoir un autre. Elle savait qu’elle pouvait être décapitée. Ils se sont partagé le parti au niveau régional comme on s’est partagé la Pologne.» Pour rappel, Hervé Menchon et Hassen Hammou appartenaient à la même motion, autrefois concurrente de celle de Géraldine Boÿer.
Contactée par Le Figaro, cette dernière oppose le silence «Je ne ferai aucun commentaire sur une affaire en cours d’instruction, indique la secrétaire régionale. Il y aura un temps prochain où nous expliquerons tout très clairement. Mais ce temps n’est pas venu.»