Poupées pédopornographiques : "On saisira en justice les acheteurs et tous les intervenants", assure Sarah El Haïry, Haute-comissaire à l'Enfance

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.


Jean-Baptiste Marteau : On a appris, tard hier soir, que le Parquet de Paris avait ouvert quatre enquêtes au nom de la protection des mineurs. À la fois contre Shein, mais pas seulement, contre ses concurrents AliExpress, Temu, Wish... Des plateformes qui auraient proposé ces poupées sexuelles d'apparence enfantine. Quelle réaction avez-vous de voir que la justice saisit cette affaire rapidement ?

Sarah El Haïry : J'ai saisi la justice. J'ai saisi la procureure générale de Paris, pour une raison toute simple : il y a des enfants qui sont en danger. Ils sont en danger parce que nous savons qu'il y a des pédocriminels qui ont acheté ces fameuses poupées absolument abjectes. Pour visualiser ce que c'est, ce sont des corps d'enfants miniatures de 6 ans, 7 ans, 8 ans d'apparence, voire des horreurs plus dures encore à entendre, puisque nous les avons trouvé, il y a quelques heures encore, des [poupées à l'effigie de] nourrissons avec malheureusement des bouches articulées. Je vous laisse imaginer l'horreur que cela signifie.

Et nous avons saisi la justice parce que nous souhaitons, et je souhaite, qu'on puisse aller chercher les acheteurs et engager la chaîne de responsabilité de l'ensemble des intervenants. Le producteur, celui qui a imaginé, créé, fabriqué, conçu ces objets absolument dégueulasses ; évidemment les plateformes qui ont servi d'intermédiaire ; et enfin ceux qui ont acheté, parce qu'en France, ça tombe sous le coup de la loi. C'est condamné. Ce ne sont pas des objets anodins.

Parce qu'effectivement, on parle de Shein qui n'est que le lien entre le producteur et l'acheteur. Pensez-vous réellement qu'on pourra identifier, interpeller et traduire en justice ceux qui ont acheté ces produits en France ?

Oui, on le fera. Et franchement, la lutte aujourd'hui contre les pédocriminels, c'est une lutte acharnée et c'est une lutte de tous les instants. On le fait dans le dark web. On le fait sur la détention d'images et de vidéos pédocriminelles. On le fait alors même qu'aujourd'hui, la détention de ces objets pédocriminels et d'images pédocriminelles a explosé dans le monde. C'est plus de 6 000%. Et la détention d'images, de vidéos ou d'objets, ce sont des étapes avant le passage à l'acte. Nous l'avons vu dans l'horreur de l'affaire Le Scouarnec, c'étaient des dizaines de poupées qu'il avait dans ses placards.

Alix Bouilhaguet : Il y a effectivement une condamnation, c'était en 2020, pour des poupées sexuelles, mais en première instance. Cela veut dire qu'il va y avoir des recours. Et en plus, ils disent "c'est de l'ordre du fantasme, il n'y a pas de passage à l'acte, donc ce n'est pas répréhensible."

C'est tout le contraire. D'ailleurs, en 2020, dans l'affaire Amazon dont vous parlez, l'entreprise Amazon avait plaidé coupable. Pourquoi ? Parce que nous avons été jusqu'à retrouver des acheteurs et nous avons condamné des hommes, puisque c'étaient exclusivement des hommes, dont un en Seine-Maritime où l'affaire a été la plus importante. Aujourd'hui, détenir une image pédopornographique, détenir des vidéos, détenir des images, ça vous envoie devant les tribunaux. Ça vous envoie en prison pour certains. Détenir des objets pédocriminels, en l'occurrence ces poupées, (...) ça tombe sous le coup de la loi, de l'article 227 alinéa 23, car ce sont des représentations d'enfants. La loi a été renforcée en 2021, après la condamnation d'Amazon. (...)

Les pédocriminels qu'on traque au quotidien, ils s'entraînent sur ces poupées. Et ensuite, ils trouvent ça fade, et ils passent à l'acte. Voilà la réalité. C'est pour ça qu'aller chercher ceux qui ont acheté ces poupées, sur notre territoire, c'est une obligation pour aller protéger et contrôler l'état des enfants qui sont dans leur entourage proche. C'est ça, la traque qui est nécessaire. Ce n'est pas exclusivement un sujet de plateformes. Toutes les plateformes ont ces horreurs. Il faudrait aller chercher leurs responsabilités à toutes.

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