Policiers tabassés à Nice : trois des cinq agresseurs au profil «inquiétant» placés en détention provisoire
La salle d’audience du tribunal correctionnel de Nice est pleine à craquer en ce mardi après-midi. Dans le public, de nombreux policiers venus soutenir leurs collègues salement amochés. Le teint blême, Benjamin C. et Lucas S., la trentaine, prennent place sur le banc de la partie civile. Les visages de ces deux agents de police secours témoignent de la violence de l’agression qu’ils ont subie quatre jours plus tôt, à deux pas du palais de justice, dans une artère passante du Vieux-Nice. Coquards, cicatrices, boursouflures… L’un d’eux, vêtu d’un costume noir et d’une chemise bleue boutonnée jusqu’en haut, présentent deux doigts enroulés sous un bandage. L’autre, habillé d’une chemise en jean, porte une minerve autour du cou. «Ils ont failli ne pas venir, ils étaient encore chez le psychologue ce matin», confie un collègue.
L’ironie - s’il en est - veut que les cinq prévenus, jugés dans le cadre de la comparution immédiate, soient assis au milieu du public, une rangée seulement derrière les fonctionnaires. Ces derniers comparaissent libres malgré la nature des faits qui leur sont reprochés, des violences aggravées par trois circonstances (en réunion, sur personne dépositaire de l’autorité publique et sous l’empire de l’alcool). Appelés à la barre, ils approchent sans se démonter. Dans la nuit du 12 au 13 décembre, aux alentours de 2h du matin, rue de la Préfecture, ces hommes âgés de 27 à 34 ans ont passé à tabac les deux agents de police - alors hors-service. Les coups se sont concentrés au niveau de la tête.
Un ambulancier parmi les prévenus
La bande a été interpellée dans la foulée par des agents de la BAC et placée aussitôt en garde à vue. Dans le lot figure un livreur de chez Chronopost, un père au foyer en recherche d’emploi, un technicien de fibre optique, un installateur de panneaux photovoltaïques et même un ambulancier. C’est d’ailleurs ce dernier, dont le casier judiciaire comporte huit mentions et qui s’est présenté à l’audience affublé de sa tenue de travail, qui est soupçonné d’avoir shooté dans la tête d’une des deux victimes alors qu’elle se trouvait inerte sur le sol.
Pourquoi une telle violence, un tel acharnement ? Dans quelles circonstances ? Les policiers, ont-ils été lynchés après avoir décliné leur qualité, comme certains l’attestent ? Auquel cas, s’agit-il d’une agression «anti-flic» ? Pour les réponses, il faudra attendre. Les cinq prévenus ont tour à tour demandé un délai pour préparer leur défense. L’audience a donc été renvoyée et le rendez-vous fixé au 14 février 2025.
Ces personnes sont prêtes à tout dans un contexte d’alcoolisation
Le procureur de la République
D’ici là, trois d’entre eux ont été placés en détention provisoire, suivant les réquisitions de la procureur de la République. Cette dernière a dit craindre un renouvellement de l’infraction au regard du profil «inquiétant» des prévenus concernés. «L’argument du bon père de famille ne devrait pas rassurer le tribunal (trois sur cinq ont des enfants, NDLR). C’est la preuve que des pères de famille sont capables d’une telle violence. Ce n’est pas quelque chose de rassurant. Ces personnes sont prêtes à tout dans un contexte d’alcoolisation», a déclaré la magistrate. L’avocate des policiers n’a pas manqué d’appuyer à son tour : «Tous ont un problème avec l’autorité ! Pour ce qui est de mes clients, au-delà de la problématique physique, il y a la problématique psychologique. Ces policiers sont fortement meurtris et traumatisés. L’un d’eux a cru qu’il allait mourir», a-t-elle plaidé, appelant la justice à «faire passer un message» pour lutter contre la «banalisation» de la violence.
La défense a évoqué de son côté un «problème d’alcoolisation de part et d’autre», une «confusion généralisée». «Il faut déterminer la responsabilité de chacun et non caractériser une réunion», a déclaré l’un des conseils des prévenus. Et un autre de s’offusquer contre «l’emballement médiatique» autour d’une affaire «assez commune». Au sortir de l’audience, les policiers n’ont pas caché leur soulagement vis-à-vis de la décision prise. «La Justice vient d’envoyer un bon signal, on peut s’en satisfaire», a commenté Laurent Alcaraz, délégué départemental du syndicat Alliance Police dans les Alpes-Maritimes. Et son homologue d’Unité SGP de poursuivre : «On ne peut pas frapper des policiers sans en subir les conséquences, c’est ce que la Justice vient ici de nous confirmer». Tout l’enjeu du procès à venir sera, in fine, de déterminer si les victimes ont été ou non lynchées en leur qualité de policiers.