Fashion Week de Milan : Prada, les femmes et l’algorithme
Devant nous, une ravissante « créatrice de contenus » toute de Prada vêtue, montre ses sublimes bottes cavalières (actuellement en boutique). En levant ses semelles, on ne voit que l'énorme autocollant du service de presse. Un prêt pour un rendu. Ça manque de chic au défilé milanais le plus couru… Alors que le secteur du luxe vit une rentrée compliquée, le groupe de Patrizio Bertelli et Miuccia Prada sort son épingle du jeu, grâce à la marque Miu Miu en premier lieu. Il faut cependant continuer à vendre du produit, accroître la « désirabilité », faire fructifier ces deux belles maisons, par ailleurs engagées dans des enjeux de succession.
Chaque saison est donc une remise à plat pour « Miuccia » et son acolyte Raf Simons, qui n'aiment rien tant que pousser la réflexion. Cette fois, autour de la question de l'algorithme des réseaux sociaux qui personnalise le flux ou uniformise le contenu selon les points de vue. « Nous voulions que, pour ce défilé, chaque passage exprime une individualité, que chaque individu soit son propre super-héros. De nos jours, avec les réseaux sociaux, tout le monde se transforme en super-héros », dit la créatrice en coulisses.
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D'où ce sentiment que cette collection été 2025 passe d'une référence à l'autre : les lignes trapèze sixties, la veste de chasse, les jupes classiques à la taille fixée par des mousquetons à un ceinturon SM, les robes à plumes sous un coupe-vent type K-Way, les blouses lavallières, les lunettes Space Age, les ensembles collants en maille, les petits manteaux folks en nubuck… Les couleurs sont belles, du vert chartreuse d'une veste en suède très Cardin au rose fané d'une robe comme une blouse d'écolier. Bien sûr, on ne fera pas l'injure au duo de comparer leur exercice de création à une page Pinterest. Mais derrière cette diversité de silhouettes, on voit toujours cette même fille qui consomme la mode. Autrefois, les collections Prada étaient peut-être très «directionnelles », dictant avec autorité la silhouette de la saison. Mais la femme qui s'en emparait était puissamment elle-même. C'était ce qu'on allait chercher là-bas : un peu de soi.