Qu’est-ce qu’un «ghost gun», cette arme en kit utilisée par le meurtrier de Brian Thompson ?
«Cela semble être une arme fantôme, capable de tirer une balle de 9mm, qui aurait été fabriquée à l’aide d’une imprimante 3D.» Avant même les tests balistiques, le chef des inspecteurs de la police de New York a livré les premiers détails concernant l’arme utilisée par Luigi Mangione pour abattre Brian Thompson, le patron du géant de l’assurance santé United Healthcare. Ce pistolet, ainsi qu’un silencieux - artisanal aussi - auraient été saisis par les agents de police dans le sac à dos du jeune homme, qu’il avait abandonné dans Central Park. Selon un spécialiste des tactiques terroristes interrogé par le média canadien La Presse, le plan de l’arme de Luigi Mangione, circule librement sur Internet depuis 2022. «Sa carcasse est imprimée en 3D. Le reste des pièces, ce sont des pièces standards d’un Glock 19», explique-t-il.
Depuis quelques années, ces «ghost guns», appelés ainsi car ils sont dépourvus de numéro de série et donc intraçables, circulent massivement et illégalement aux Etats Unis. Elles y seraient responsables d’un crime par arme à feu sur quinze. Les autorités américaines, qui ont renforcé leur niveau de vigilance sous le mandat Biden, ont dénombré 25.000 saisies en 2022 contre 1600 en 2017.
Un kit pour 500 dollars
Le procédé de fabrication est plutôt simple. Les imprimantes 3D sont reliées à un fichier informatique, généré par un logiciel du type de ceux utilisés en infographie ou en ingénierie, et conçoivent une forme à partir de plastique chauffé. Les différentes pièces ainsi façonnées s’emboîtent manuellement les unes dans les autres. Un percuteur et un canon métalliques sont ensuite ajoutés. Si l’ensemble de l’outillage atteint au moins 1000 $, les armes peuvent aussi s’acheter en kit, pour des sommes plus modestes. Elles peuvent se trouver à moins de 500 dollars, selon le média américain CBS News. Sur internet, des kits existent pour tous les types d’armes, des pistolets aux AR-15 et AK-47.
Selon Europol, le tir reste plus imprécis que celui d’une arme conventionnelle et les matériaux se dégradent à l’usage. Cependant, selon l’office européen de police, «l’évolution rapide de la technologie peut toutefois en faire une menace plus importante dans un avenir proche».
Cette technologie qui progresse de façon fulgurante existe depuis une dizaine d’années seulement. C’est un étudiant américain de tendance libertarienne qui a conçu le premier modèle en 2013, baptisé «Liberator». Ce militant pro-armes a diffusé ses plans sur internet pour permettre une fabrication à plus large échelle. En deux jours, ce fichier aurait été téléchargé 100 000 fois.
Depuis lors, plusieurs tueries ont été commises à l’aide d’armes en 3D. En octobre 2019, le terroriste néonazi ayant tué deux personnes à Halle, en Allemagne, aux abords d’une synagogue et dans un restaurant turc, avait utilisé un fusil d’assaut artisanal. L’homme avait cherché à faire des émules en postant sur internet le plan de fabrication de son arme et ce message : «Tout ce dont vous avez besoin est d’un week-end entier et de 50$ de matériel». Le procureur de Marseille annonçait, en février 2024, le démantèlement en France et en Belgique d’un réseau clandestin de fabrication d’armes. Des dizaines de pièces ont été saisies par les autorités. Aux États-Unis, l’assassinat de Luigi Mangione est le premier crime de grande portée médiatique commis avec une arme imprimée en 3D.